COMMENTAIRES DE PAUL BEQUART SUR LE ROMAN LE GRAND JEU

Pour mieux comprendre le roman le Grand Jeu, nous ajoutons les commentaires de Paul Bequart, qui a connu nos parents justement pendant la Résistance. Paul a rencontré notre père au lycée Louis le Grand alors qu’ils étaient en terminale en 1943-1944, lui-même dans la filière scientifique alors que notre père poursuivait des études littéraires.
Ils ont rapidement sympathisé car ils faisaient partie des mêmes milieux de la JEC, et bien sûr de la Résistance, dans le mouvement Défense de la France (le pseudonyme de notre père était Benito et celui de Paul, Bertrand).
Ensemble, ils ont participé à de nombreuses activités résistantes –distribution de tracts, diffusion de la presse clandestine- et plusieurs de ces actions sont évoquées dans le roman : le lâcher de tracts à Notre Dame des Victoires, le maquis de Seine et Oise, la Libération de Paris. Par contre, ils ont été séparés à différentes occasions, comme par exemple lors de la Libération de la capitale, en particulier lorsque notre père a été arrêté par les Allemands.
Paul Béquart était donc le mieux à même de retrouver dans ce texte les personnages et les évènements dont notre père s’est inspiré pour écrire son roman. Voici donc ses remarques.

Le récit de Philippe est tellement romancé que j’y reconnais des événements vécu réellement, mais je ne reconnais rien de certaines descriptions.

-le lancer de tracts à ND des Victoires est authentique. Nous étions ensemble avec Philippe. Michel Habib qui dirigeait la cérémonie a cherché à nous dénoncer auprès du commissariat. Il s’est targué du titre de résistant après la guerre et a dirigé en 44 (septembre) une mission de FFI en Angleterre dont j’ai fait partie (mais pas Philippe)

-les aviateurs cachés par des résistants :
peut-être Philippe s’en est occupé . Pas moi.

-la rencontre de Stéphane avec un officier HAYER me paraît complètement inventée pour les besoins du roman, et de ce que Philippe avait envie d’introduire dans le récit. Stéphane est non identifiable pour moi.

-les discussions dans le cadre de la JEC sont exactes (casti connubii, Mit brennender Sorge)

-l’attaque contre les soldats allemands en Seine et Oise :
Philippe semble avoir participé à ce genre d’action, et serait retourné en Seine et Oise dans ce but. Il m’en a parlé dans ce sens mais moi, je n’y étais pas.

-La libération de Paris :
Nous avons été ensemble mais pas toujours.
-Lors de son arrestation sur l’esplanade des Invalides, il était seul avec un chauffeur.
-Lors de la prise de l’École militaire, je dirigeais un groupe de 6 hommes mais Philippe s’activait ailleurs dans Paris (peut-être était-ce le moment même où il se faisait arrêter aux Invalides).
Sacha Guitry a été arrêté par un autre groupe que le notre. Il habitait près du Champ de Mars, où subsiste une statue de Lucien Guitry.
Quant à Paul Chalk, j’ignore tout de son arrestation.

Pour finir, je peux témoigner de la véracité des propos de Philippe mais j’ai toujours ressenti de sa part un peu de dérision à l’égard du jeu de « petits soldats » que nous jouions. Un peu de cynisme et quelques blagues sur notre gêne à l’égard de la sexualité, font du récit de Philippe un montage formel qui est de son crû.
Dans mon souvenir, on a pu avoir des propos de troupiers mais on n’était pas obsédé par la sexualité. A vrai dire, les filles étaient absentes lors de notre séjour en Seine et Oise en mai, juin, juillet 1944. Elles n’ont été présentes dans nos groupes qu’au cours de nos « rancarts » parisiens.
Véritables noms derrière les personnages :
-Jules → Philippe Bauchard (Benito)

-Bernard → Paul Bequart (Bertrand Potier)

-Valentin → José Edouard Laval (Edouard VII)
Après Viannay , il était notre chef direct. Dirigeait le camp permanent d’éclaireurs de la Rose des Vents (et non des « 4 Vent », selon le texte de Philippe)
-Petit Pierre → Patrice Marlio (Patrick)
ses parents habitaient près de St Philippe du Roule. Philippe, après la disparition de Patrick, il a été les voir après la Libération. Avaient peut-être un appartement de style qui aurait servi à Philippe pour sa description de luxe bourgeois.
Sa mission (en août après notre départ de Seine et Oise pour Paris) aurait été un collage d’affiches dans un village. Il n’en est pas revenu. Une disparition mystérieuse.

N.B : Philippe aimait bien un copain résistant du VII° du nom de Petit Paul, du fait de sa petite taille.

Jacques → Joseph Thymel ( Joseph)
je l’ai revu deux ou trois fois à nos réunions après la Libération.

Ted → Simon Varsi (Sosthène)
C’est le fils d’un ancien maire de Bonifacio. Élève des Beaux Arts. Arrêté près de l’Isle Adam et enfermé à la mairie. A été fusillé avec ses camarades qui étaient dans la même camionnette (ils transportaient des armes). Le trou d’obus où ils furent tués existe toujours. Un monument avec leurs noms et ceux d’autres résistants a été construit le long du mur des FORGETS (propriété suisse où ils fabriquaient du chocolat avant guerre)
A Bonifacio, existe une rue du sous-lieutenant (!!) Simon Varsi. Sa mère, visitée par Philippe en 45 ou 46, est depuis longtemps décédée.

NB. Sur le monument en question, il y a les noms de Jean et Michel REBRETEAU, deux étudiants en médecine qui nous ont donné des conseils d’hygiène.
Également le nom de Christiane MEFRED VALS que je n’ai rencontrée qu’une fois, pour une liaison à la Pierre Turquoise.

-Fromont → Pierre Alviset, dont un lycée porte le nom dans le XIII° . Il était venu en Seine et Oise avec « deux types » (d’après Philippe) mais avec un ami Marc Bairal (devenu prêtre catholique par la suite. Décédé depuis plusieurs années)
Pierre était objecteur à l’égard du combat armé et ne voulait être que « brancardier ».
Il est resté 48 heures avant son retour à Paris.
Revenu en Seine et Oise alors que nous étions à Paris,en août. Il a été arrêté et tué d’une balle dans le dos au cours d’un simulacre d’évasion.
C’était un militant de la JEC mais dans notre groupe de Louis le Grand

Stéphane est un personnage impossible à identifier. Probablement mis en scène pour la cohérence du texte de Philippe.
Je n’ai pas pu faire correspondre les autres noms propres à des personnages connus par moi ou Philippe. Ils restent romanesques.

Pour ce qui est nos instruments de campagne
-la mitraillette STEN ne s’appelait pas « Joséphine » mais « Armance » (un nom trouvé par Philippe)

-Un revolver (type guerre de 70!) avait pour nom Napoléon, car Philippe faisait remonter son existence au Premier Empire, pour le moins !
-Le vélo de Philippe était Bucéphale , le mien Dolichocéphale.

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