LA REPRÉSENTATION DE LA QUESTION RACIALE DANS LE CINÉMA AMÉRICAIN

Loving, de Jeff Nichols est un des nombreux films récents qui évoquent la question raciale aux États-Unis. Récemment, plusieurs longs métrages, à l’époque de la présidence Obama et aussi sous celle de Donald Trump ont abordé ce problème, alors que les tensions entre la police et la communauté afro-américaine n’ont cessé de croître (naissance du mouvement Black lives matter en 2013 après plusieurs incidents entre forces de l’ordre et jeunes noirs). Les films de  Nate Parker (Naissance d’une Nation) , Barry Jenkins (Moonlight), Jordan Peel (Get out), Kathryn Bigelow (Detroit) ont traité de la question raciale avec des approches différentes, souvent historiques mais parfois d’une manière plus originale (Moonlight traite de l’homosexualité dans la communauté noire, Get out utilise le genre du film d’horreur). L’œuvre de Nichols aborde le sujet aussi avec une vision particulière, celle d’un cinéaste blanc et sudiste.

Mais avant d’évoquer Loving, il faut rappeler comment le cinéma américain a abordé la question raciale au cours de son histoire, c’est à dire évoquer à la fois la présence des afro-américains en tant que personnages et l’émergence et l’importance des cinéastes noirs dans la production cinématographique américaine.

 

A l’époque du Hollywood classique, des Noirs stéréotypés

Aux origines, la présence des Afro-américains est minimale, quand elle n’est pas tronquée (les personnages noirs de Naissance d’une Nation de DW Griffitih sont des acteurs blancs grimés!).

Hollywood a une vision plutôt favorable aux valeurs du Sud traditionnel ( Dans le fameux code Hays de 1927, l’article II. 6 précise que « La miscegenation -relations sexuelles entre les races blanches et noires- est interdite ».) Les studios ménagent en quelque sorte l’amour propre des sudistes (on connaît la vision peu équilibrée  de D.W Griffith dans Naissance d’une Nation  à propos des problèmes raciaux dans le Sud). Déjà, les aspects les plus racistes sont estompés et les plantation films  nous décrivent une sorte de « paradis perdu », rempli d’aristocrates élégants, de femmes ravissantes, vivant  dans de splendides demeures avec des armée d’esclaves qui ne semblent pas trop mécontents de leur sort (encore dans Autant en emporte le vent   la nounou de Scarlett, jouée par Hattie Daniels, est une caricature de ce type de noir tout dévoué à  son maître. De même dans l’Insoumise, le monde où évoluent Julie (Bette Davis) et Preston (Henry Fonda) est semblable à celui d’Autant en emporte le vent…Certes, dans ces deux films très proches, le Sud est plongé dans le désastre de la guerre civile et rien ne sera plus comme avant mais la nostalgie est manifeste.

Sans craindre les stéréotypes racistes, plusieurs films de cette époque présentent des Noirs « gais et artistes », qui sont cantonnés dans des rôles d’amuseurs ou de domestiques (en 1939, Hattie Mac Daniel obtient même l’Oscar du meilleur second rôle, pour sa prestation dans Autant en emporte le vent  mais elle se voit interdire l’entrée dans la salle d’Atlanta où est projeté le film). Parfois les Noirs sont même les personnages centraux du film (Halleluyah de King Vidor en 1929), en particulier quand l’histoire est censée se dérouler dans le milieu musical (Stormy weather d’A. Stone en 1943). C’est à cette époque que quelques acteurs noirs parviennent à s’imposer, comme Lena Horne ou Dorothy Dandridge, et quelques musiciens de jazz (Louis Armstrong, Count Basie, Duke Ellington…).

Il existe quand même une certaine résistance à cette idéologie dominante : déjà , King Vidor a dû batailler pour imposer le sujet de son film Hallelujah !, deuxième film hollywoodien à présenter une distribution intégralement afro-américaine. Surtout un cinéma afro-américain émerge, même s’il est encore très marginal. La production de films noirs (« race films« ) s’appuie aussi sur un réseau de plus de 700 salles, implantées dans les ghettos de toutes les grandes villes du pays. Dès 1918, E. Scott réalise Birth of a Race pour répondre au film de Griffith, Birth of a Nation et une première vague de réalisateurs noirs apparaît dans les années 1920. Le plus célèbre d’entre eux est Oscar Micheaux, dont la carrière s’étend de 1919 à 1948 (il réalise une trentaine de films, dont le fameux Body and soul avec Paul Robeson en 1924).

Reste que dans cette période, le cinéma américain, surtout hollywoodien, ne se risque pas à aborder frontalement la  question raciale. Quand un film comme  Autant en emporte le vent évoque les noirs, on tombe vite dans le cliché : les Noirs sont enfantins, naïfs, parfois paresseux et vantards (le personnage de Prissy, censée aider Scarlett à accoucher sa belle-sœur est particulièrement caricatural…).

Dans les années 1960 : le début de la prise de conscience…

Alors que la lutte des Noirs pour les droits civiques entre dans une phase beaucoup plus intense dans les années 1960 (boycott des bus de Montgomery en 1955 organisé par le pasteur Martin Luther King,  création du SNCC-Comité de la Coordination non-violente des Étudiants-en 1960, Marche sur Washington en août 1963),  le cinéma américain commence à évoluer sur la question raciale. Plusieurs réalisateurs blancs progressistes tiennent à évoquer la condition difficile des Noirs aux États-Unis et prônent la tolérance raciale. Parmi les plus marquants, John Cassavetes (Shadows en 1960), Norman Jewison (In the heat of the night en 1967), Stanley Kramer (Pressure Point en 1962, Guess who’s coming to dinner en 1967). L’acteur fétiche de cette période est Sidney Poitier, qui tourne dans une quarantaine de films et qui est le premier Noir à obtenir l’Oscar d’interprétation masculine en 1963 (il réalise lui-même quelques films dans les années 1970). Comme il le dit lui-même, « les Noirs pendant longtemps, ont dû se contenter au cinéma des rôles de servantes effarées, de chauffeurs de maître ou de danseurs de claquette. Je ne veux accepter que des rôles qui inspirent fierté aux spectateurs noirs et qui imposent aux spectateurs blancs, l’image d’un Noir estimable dont l’autorité morale remet en cause les préjugés ». Poitier apparaît bien comme le héros noir intégrationniste des années 1960, tour à tour médecin, avocat, cadre…, comme dans No way out de J.L. Manckiewicz en 1950, où il incarne le docteur Brooks : « ni Oncle Tom, ni militant, il reste non-violent en dépit des provocations : il est évidemment supérieur en termes de compétence et d’habilité. Mais si l’image du Noir dans ces films est ainsi valorisée, par contre, Hollywood bute toujours sur la représentation des rapports sexuels interraciaux, sujet encore trop délicat pour être porté à l’écran. Les héros noirs, et Sidney Poitier entre autres, apparaissent comme asexués et d’une chasteté peu crédible.

La Blaxploitation des années 1970

Alors que la lutte des Noirs se radicalise (naissance du mouvement Black Power et en 1966, création des Black Panthers à Oakland la même année) , les années 1970 voient l’apparition d’un style original et très controversé, la Blaxploitation (c’est à dire Black + Exploitation). Par ce terme, on entend qualifier un genre bien particulier : des films joués et réalisés par des Noirs, mais tournés avec les méthodes et le soutien des grands studios d’Hollywood… Ce sont en général des films d’action, souvent policiers, mettant en scène des héros noirs, « supermâles » (bucks), violents et décidés, comme « Shaft » ou « Superfly » (ces rôles ont été souvent incarnés par l’ancien joueur de football Jim Brown) : il existe même une version féminine du personnage : Coffy, la panthère noire de Harlem, interprétée par Pam Grier. Les metteurs en scène sont des Noirs, dont les plus connus sont Gordon Parks (qui réalise la série des Shaft), Ossie Davis (Cotton cornes in Harlem en 1970) et Melvin Van Peebles, véritable précurseur du genre avec Sweet Swwetback’s Baadassss song en 1971. Par contre, la production et la distribution restent contrôlées par les grands studios, séduits par le succès populaire des premiers films du genre (à l’exception notable de Van Peebles qui assure lui-même le financement de son film) : cet investissement va s’avérer rentable, et la MGM peut se renflouer après une période de crise, grâce à la série des Shaft réalisée par Gordon Parks. Pour ces metteurs en scène, il s’agit de valoriser l’image du Noir, en présentant « des héros noirs qui disent non, se sauvent et  réussissent leurs fuites ». Van Peebles dédit son film à « tous les frères et sœurs qui en ont assez de l’Homme »(c’est à dire du Blanc) (« To ail brothers and sisters who had enough of the Man »). Il raconte d’ailleurs que son film a surtout été apprécié par les Noirs les plus pauvres et les Black Panthers, mais détesté par la bourgeoisie noire en voie d’intégration. Cependant, il n’est pas évident que ces sous-entendus politiques aient été clairement perçus : en tout cas, à la fin des années 1970, le genre disparaît de lui-même après quelques échecs notoires (Wizz de S. Lumet en 1978). Comme le remarque le cinéaste Larry Clark, « les réalisateurs noirs de cette époque ont été jetés comme des assiettes sales… »

 

 

La génération sacrifiée des années 1980

La génération suivante de cinéastes noirs peut être considérée comme la première réellement indépendante du système hollywoodien, ces cinéastes des années 1970 (William Greaves, Charles Lane, Charles Burnett, Larry Clark…) ont en commun une formation universitaire (UCLA, Yale, American Film Institute,… où ils ont pu côtoyer les étudiants radicaux de cette époque) et aussi d’être souvent politisés (Larry Clark ne cache pas son appartenance au Parti communiste américain). Ils s’affirment d’abord en s’opposant aux images du Noir, telles qu’elles existaient avant eux. Ils dénoncent à la fois le stéréotype du Noir intégré « à la Sidney Poitier » (comme le dit Clark « pour être respecté, il doit être 20 000 fois mieux qu’un Blanc ») et au « supermâle », genre « Shaft » (Clark encore regrette « le contenu très pauvre de ces films qui utilisent des recettes comme le sexe et la violence »). Ces « cinéastes du ghetto » veulent raconter eux-mêmes leur propre histoire : ils tiennent à ancrer leurs personnages dans la réalité sociale que subissent les Noirs américains. Leurs films sont souvent à mi-chemin entre le documentaire et la fiction et ils tournent la plupart du temps en décors naturels, avec des acteurs non-professionnels (par exemple, Bush Marna de Haile Gerima en 1974, Killer of Sheep de Charles Burnett en 1977). Pour assouvir leur besoin d’indépendance, ils cherchent à s’assurer le contrôle total de leurs films, et en particulier la production… Les circuits de distribution contrôlés par les Majors leur sont pratiquement fermés et ils doivent se rabattre sur des réseaux parallèles (écoles, musées, bibliothèques). Cette génération militante est un peu une « génération sacrifiée » : si les films de ces cinéastes son souvent audacieux et originaux (Passing through de L. Clark en 1977, les films de Haile Gerima), leur audience a souvent été limité, même au sein de la communauté noire.

Spike Lee et les autres

La génération de Spike Lee, qui s’affirme presque 20 ans après, reprend à son compte certaines des idées que nous venons d’évoquer. Mais surtout, les cinéastes des années 1990 vont, eux, connaître le succès. Comme le dit Spike Lee lui-même, « il n’y a pas de meilleure époque pour être un cinéaste noir ». L’année 1991 semble avoir été une période particulièrement faste : près d’une vingtaine de films sont réalisés par des metteurs en scène noirs (soit plus que dans toute la décennie précédente), et certains obtiennent une large audience : New Jake City de Mario Van Peebles, Rage in Harlem de Bill Duke, Boyz’n the Hood de John Singleton, Straight our Brooklyn de Matty Rich, Hollywood shuffle de Robert Townsend, Sidewalk stories de Charles Lane… La plupart de ces réalisateurs reconnaissent le rôle essentiel de Spike Lee, considéré comme chef de file de ce mouvement. Van Peebles avoue : « sans Spike Lee, je ne serais pas là aujourd’hui : son talent a ouvert la voie à d’autres ».

Cette génération est sans doute moins politisée que la précédente et elle revendique des influences cinématographiques très variées. Spike Lee lui-même dit avoir apprécié les films des libéraux blancs comme Norman Jewison, ceux des cinéastes noirs de la Blaxploitation (même s’il regrette que la production soit restée aux mains des Blancs), et aussi de ses contemporains blancs comme Martin Scorsese. Les réalisateurs noirs actuels ne sont pas insensibles aux thèses de l’Afro-centrisme et, comme leurs aînés, ils veulent parler des problèmes noirs à la manière noire (« des stars du ghetto pour le ghetto ») Ils s’indignent quand des réalisateurs blancs prétendent représenter le monde des Noirs (par exemple, le film de Spielberg, La couleur pourpre est très critiqué) : Spike Lee s’est aussi violemment opposé au projet de Norman Jewison, qui voulait porter à l’écran la vie de Malcom X… Comme on le sait, il finira par obtenir gain de cause auprès des studios. Comme ceux qui les ont précédé, les réalisateurs noirs refusent l’image du Noir « bien peigné » des années 1960 et le « supermâle » des films de la Blaxploitation : ils tentent de donner une image plus juste de la femme noire, jusque là bien maltraitée, même dans le cinéma noir… Il n’est plus question de vanter les prouesses sexuelles de « super-héros » noirs, alors que tant de filles du ghetto sont enceintes à 14 ans et que beaucoup d’enfants ne connaîtront jamais leur père.

Il n’est sans doute pas indifférent que ce renouveau du cinéma de dénonciation apparaisse à la fin des années Reagan-Bush, à une époque où les Noirs sont ignorés des gouvernements républicains et de la majorité blanche… Certes, le succès des films interprétés par Eddie Murphy (48 heures« , Un fauteuil pour deux, Le flic de Beverly Hills) montre que le public blanc ne craint plus d’admirer des vedettes noires (dans la veine comique, Bill Cosby et Richard Pryor s’imposent également). Mais l’image du Noir incarnée par Murphy est encore dévalorisante : son personnage est astucieux, il fait enrager les Blancs, mais il reste un faire-valoir pour son partenaire blanc (le coriace Nick Nolte doit toujours remettre de l’ordre après le passage de Murphy). En aucun cas, ces films ne rendent compte de la situation réelle des Noirs en ces années 1980.

En tout cas, cette génération de cinéastes réussit là où ses aînés avaient échoué : monter des œuvres ambitieuses, sans compromis, en toute indépendance… et avec des moyens suffisants. Le producteur Hudlin se réjouit : « Pour la première fois, la qualité d’auteur et le contrôle créatif nous appartiennent vraiment », et Spike Lee peut affirmer : « II est possible de faire des films artistiquement ambitieux dans le système hollywoodien. C’est peut-être très difficile mais j’en suis la preuve vivante : c’est faisable ». Mais ces réalisateurs restent lucides sur les soutien que leur apportent les studios. Ces grandes compagnies ne s’intéressent au cinéma noir que quand elles constatent le succès de quelques films noirs indépendants réalisés à la fin des années 1980 (She’s gotta have it, de Spike Lee, a coûté 175 000 dollars et rapporté 7 millions en Amérique du Nord ; avec un budget de 200 000 dollars, Hollywood shuffle a ramassé pour 5 millions de bénéfices…). Aussi, certains Majors investissent dans ces jeunes talents si prometteurs : Columbia permet à John Singleton de réaliser Boyz’n the hood et Warner accepte les conditions de Spike Lee pour porter à l’écran la vie de Malcom X (budget de 35 millions de dollars, film de trois heures et dix minutes… Ces cinéastes ont conscience de la précarité de leur situation. Comme le dit le producteur noir Underwood, « la porte ne s’ouvre que dans un intervalle limité : il faut se dépêcher de s’y faufiler afin de profiter de l’engouement actuel : nous bénéficions de l’effet de mode mais pas pour très longtemps ». Le réalisateur Matty Rich voit les choses de manière plus politique : « Hollywood ne tient pas à nous voir trop nombreux. Le système n’est pas conçu pour que nous soyons une force prépondérante ».

Les attitudes devant ce problème sont diverses : Spike Lee se prend à rêver de circuits de production noirs, qui leur garantirait l’indépendance… La plupart veulent élargir les sujets abordés, « en sortant du ghetto » pour essayer de toucher un public plus large (même si les Noirs représentent 25 % du public total, seul Eddie Murphy et Spike Lee réussissent le cross-over, c’est-à-dire à être populaires auprès de TOUS les spectateurs, et pas seulement des Afro-américains). Spike Lee lui-même ne veut pas se consacrer uniquement aux problèmes sociaux et a annoncé son intention de se diversifier… Cette génération est sans doute aussi moins solidaire que la précédente. Singleton remarque « qu’il n’y a pas vraiment de mouvements de cinéastes noirs, comme il y a eu par exemple la Nouvelle Vague en France ». Les moins politisés pourraient donc être tentés de se laisser récupérer par Hollywood…Ce problème est au cœur du débat pour les metteurs en scène noirs. Le succès obtenu par Spike Lee et par d’autres leur a permis, pour un temps, d’imposer leurs conditions aux studios. Mais ce soutien risque de faire défaut dès que l’audience de leurs films va faiblir… D’autant que le risque politique n’est pas négligeable (des émeutes sanglantes ont éclaté aux sorties de New Jack City et Boyz’n the Hood). Dans un contexte aussi libéral que les États-Unis, le pari d’un cinéma noir indépendant était difficile à gagner.

Ce cinéma aborde frontalement la question raciale aux États-Unis, et en particulier les films de Spike Lee. Dans Do the right thing, il évoque une émeutes raciale qui se  déroule à New York (il anticipe malgré lui celle qui aura lieu à Broklyn en 1992) , il évoque la figure de Malcom X dans son film éponyme, il raconte la marche sur Washington organisée par le leader du mouvement the Nation of Islam, Louis Farrakhan en octobre 1995 dans Get on the bus.. Pour certains, le message de Lee est assez ambigu. Dans Do the right thing, il semble réconcilier les deux figures majeures du combat des Afro-américains, Martin Luther King et Malcom X. En même temps, il ne cesse de dénoncer les dangers du métissage dans ce même film, ou dans Jungle fever, histoire d’un amour impossible entre une jeune italo-américaine et un architecte noir. Il ne semble pas insensible à certaines des idées de Nation of Islam. Mais,  le cinéma afro-américain ne parvient pas vraiment à trouver sa place dans le système très verrouillé des studios hollywoodiens : comme nous l’avons déjà indiqué, la plupart des cinéastes noirs vont rentrer dans le rang, comme John Singleton, Mario Van Peebles et même Spike Lee lui-même, amené à choisir des sujets moins clivants, susceptibles d’intéresser même le public blanc.

Un cinéma du consensus pendant l’époque Obama

Pendant les années Obama, le cinéma américain s’intéresse de près à la question raciale, que ce soit des cinéastes  blancs prestigieux comme Steven Spielberg (qui avait déjà consacré un film  à la révolte des esclaves noirs de l’Amistad ) ou une nouvelle génération de réalisateurs afro-américains. Régis Dubois a étudié cette période dans son ouvrage Le cinéma noir américain des années Obama (éditions Lettmotif, 2017). Il remarque que la plupart des films sortis pendant cette période et réalisés par des cinéastes blancs sont des récits historiques et sont aussi des succès populaires (Bloodside, Lincoln, la Couleur des sentiments, Django unchained). Pour Dubois, ces films reflètent la philosophie politique d’Obama : la pondération, le consensus racial, le pacifisme tel qu’a pu le prôner Martin Luther King. De ce point de vue, le Lincoln de Spielberg est exemplaire : comme l’écrit Frédéric Strauss dans Télérama,  (le président) apparaît comme « pragmatique et idéaliste, il grappille des voix au nom d’une grande idée, la dignité humaine ». Des termes qui s’appliquent fort bien à un certain…Barak Obama.

Mais on a aussi le sentiment que ce sujet de la question raciale a inspiré une nouvelle génération de cinéastes noirs. On est frappé pendant cette période d’assister au retour de ces films politiques sur l’histoire de la communauté noire aux États-Unis par des réalisateurs qui en sont issus. Le Majordome , réalisé par Lee Daniels, évoque le personnage d’un domestique haut placé à la Maison Blanche , Cecil Gaines incarné par Forrest Whitaker , inspiré par la vie d’Eugene Kelly qui a servi pendant 34 ans les différents présidents américains : le film balaie ainsi toute l’histoire des Noirs aux États-Unis depuis les années 1950. Selma, que tourne Ava Du Vernay, retrace les très graves incidents qui se sont déroulés en 1965 dans cette petite ville d’Alabama : le film insiste sur le rôle joué par Martin Luther King dans l’organisation des manifestations et montre bien comment ces événements  ont amené le président Johnson à lever toutes les restrictions empêchant le vote des Noirs dans le sud des États-Unis .  Dear white people du jeune cinéaste Justin Siemin  décrit les relations raciales tendues au sein de la prestigieuse Université de Winchester. Le cinéaste britannique Steve McQueen s’est intéressé à l’aventure en tout point extraordinaire de Solomon  Northup, homme libre, enlevé et resté esclave pendant 12 ans , au milieu du XIX°, quelques années avant le début de la guerre de Sécession…

La plupart de ces cinéastes avaient déjà entamé leur carrière quand ils ont réalisé les films que nous évoquons (c’est le cas pour Lee Daniels, auteur d’un film à succès Precious  et  Ava Du Vernay) et certains d’entre eux s’étaient déjà signalés dans des projets engagés : c’est le cas en particulier de la réalisatrice de Selma, qui se revendique comme cinéaste noire,  en y ajoutant la dimension féministe (elle ne craint pas d’affirmer : « I’m a black woman filmmaker. »). Pour Steve MC Queen, d’abord plasticien, il s’est déjà fait remarquer par deux films très particuliers, Hunger qui raconte la grève des militants irlandais à l’époque de Margaret Thatcher (2008) et Shame, la chronique sexuelle d’un yuppie new-yorkais (2011).  Quand on lui demande en quoi il est concerné par l’esclavagisme aux États-Unis, le cinéaste, dont les parents viennent de la Grenade,  estime que ce fut un phénomène mondial. Comme il le dit justement, « il se trouve que le bateau de ses ancêtres (esclaves) est allé vers la droite alors que d’autres membres de sa famille allaient vers la gauche »…Par contre, Justien Siemin est un jeune réalisateur, qui a surtout des courts métrages à son actif. Souvent comparé à Spike Lee qui, en son temps, avait aussi tourné une comédie remarquée (Nola Darling), il se veut l’héritier plutôt d’Ingmar Bergman et de Woody Allen (ce qui ne doit pas faire vraiment plaisir au réalisateur de Do the right thing). En tout cas, ces quatre metteurs en scène abordent des sujets sensibles dans la communauté afro-américaine, de l’esclavage au XIX° à l’intégration contemporaine dans les universités, en passant par la lutte pour les droits civiques des années 1960. Plusieurs de ces films ont provoqué des débats aux États-Unis mêmes : en particulier, Selma a été critiqué par certains, et notamment sur le rôle du président Johnson.

D’abord, la plupart de ces films n’hésitent pas à mettre en scène des conflits à l’intérieur de la communauté noire : dans Le Majordome, Cecil Gaines se heurte à son propre fils, écœuré de la « lâcheté » de son père face aux Blancs : dans Twelve Years a slave, Solomon n’est pas solidaire des plus radicaux de ses compagnons d’infortune : dans Selma, le film nous montre bien les discussions âpres qui ont pu exister entre les dirigeants du mouvement des droits civiques, à propos de lagh stratégie à adopter…Enfin, dans Dear white people, l’égérie des étudiants noirs Sam White s’oppose directement à Troy Fairbanks, fils du responsable noir de l’université…Ainsi, les Afro-américains apparaissent bien divisés, souvent entre les plus radicaux et ceux partisans d’une soumission apparente (l’accusation d’oncletomisme est souvent implicite, parfois explicite comme dans le Majordome ou Dear White people...). On peut d’ailleurs relever que dans ces films, les personnages « raisonnables » semblent, tout compte fait, l’emporter…et la solution la plus radicale est toujours un échec (le radicalisme du fils de Cecil Gaines n’aboutit à rien, pas plus que l’activisme des amis de Sam dans Dear white people).

Il est un autre point à noter : en aucun cas, les « héros »  de ces films ne sont présentés comme infaillibles et monolithiques : ce sont des personnages fragiles avec leurs doutes, parfois leurs faiblesses, parfois même leur lâcheté…Le majordome Cecil Gaines a bien du mal à se dégager de sa mentalité de domestique, Martin Luther King se montre en privé bien hésitant, Solomon fait profil bas devant ses maîtres et ne se laisse pas tenter par des solutions radicales, comme prendre la fuite ou se rebeller…Même dans Dear White people, Sam, qui est métisse, redécouvre à la fin du film, son ascendance blanche et délivre un message de tolérance (est-ce un clin d’œil entendu envers Barack Obama?). Leurs personnages ne sont pas toujours montrés à leur avantage : ainsi dans Selma, une séquence vers le début du film, nous montre les dirigeants noirs en train de discuter de la  stratégie à adopter face aux racistes blancs. On a -un temps-  l’impression que Martin Luther King espère une réaction violente des autorités locales pour obtenir une plus grande audience médiatique…En bref, un leader plutôt manipulateur, même si c’est pour la bonne cause !

Ce qui semble certain, c’est que ces cinéastes abordent la question raciale avec plus de liberté (?) que leurs collègues « blancs » : ils n’hésitent pas à présenter une communauté afro-américaine divisée, des personnages complexes et ambigus…C’est  cette épaisseur psychologique et historique qui fait l’intérêt de leur démarche. On n’est plus à l’époque des années 1950 et 1960 où les acteurs noirs comme Sidney Poitier ou Harry Belafonte revendiquaient des rôles « positifs ». On n’est pas non plus dans la période de la Blackexploitation  avec des super-héros noirs.  Enfin, on n’est pas non plus à l’époque de Spike Lee, dont les films pouvaient sembler manichéens à certains. Il semble bien que les cinéastes noirs contemporains abordent aujourd’hui  des questions sensibles, y compris dans leur propre communauté, avec une vision plus distanciée.

Une vision sudiste de la question raciale

Après avoir vu toutes ces manières d’aborder la question raciale, le film de Jeff Nichols est  intéressant parce qu’il adopte un point de vue décalé sur cette question raciale.

Déjà, le cinéaste est un blanc mais surtout un homme du sud : né à Little Rock dans l’Arkansas, il vit à Austin au Texas avec sa famille. Quatre des cinq longs métrages qu’il a réalisés se déroulent dans cette partie des États-Unis. Il se rattache clairement à ce courant culturel nommé l’Americana. Comme l’écrit Jérôme d’Estais, « Jeff Nichols ancre son cinéma dans cette terre qui est la sienne, ce sud états-unien, nourrie de thématiques personnelles (famille, foi, crises) aussi bien qu’universelles, irriguée d’influences (de John Ford à Mark Twain, en passant par Eastwood et Sternfeld). Il est lié à Gordon Green, autre réalisateur du sud (L’autre rive, Joe) et  aussi inspiré par des écrivains comme Harry Crews et Larry Brown. Toute cette mouvance artistique dresse le portait d’un sud beaucoup plus riche et complexe que celui présenté dans les films des frères Coen ou de Quentin Tanratino. Leurs personnages ne sont pas des brutes racistes mais des êtres avec une réelle épaisseur psychologique.

Ainsi, Nichols, qui n’est pas l’auteur du scénario, a été séduit par cette histoire d’amour de gens simples, qui se trouvent être un blanc et une noire, vivant dans le comté de Central Point en Virginie. Dans cet état très ségrégationniste, une loi de 1924 interdit les mariages entre personnes de races différentes, « pour préserver l’intégrité de la race blanche ». Mais Central Point est une région à part dans ce Sud où règne l’apartheid. En effet, depuis les origines, un grand nombre de populations s’y sont installées et se sont mélangées : amérindiennes, blanches, noires…Gilles Biassette, qui a consacré un livre au couple Loving, rappelle que l’anglais John Rolfe a épousé la princesse indienne Pocahantas à Jameston en 1615…Il écrit qu’on trouve dans cette région « la plus grande proportion de Noirs aux yeux bleux ». Certes, la ségrégation y existe aussi (Mildred va dans une école pour jeunes noirs) mais « le racisme y avait moins de prise qu’ailleurs ». La famille de Mildred est très emblématique  de cette mixité : son père a des origines Cherokee et sa mère des ancêtres de la tribu des Rappahannock. Dans le film, le shérif Brooks, réputé pour sa fermeté,  explique à Richard lors de sa première incarcération : «  A Central Point, vous êtes perturbés, tous mélangés. Du Cherokee, du Rappahannock , du négro, du blanc…Votre sang ne sait plus où il habite ; Tu n’es pas né au bon endroit, c’est tout. Toi, ça te paraît normal. Tu te dis que tout le monde s’en fout. Peut-être , si t’avais pas assez bête pour l’épouser mais moi, je ne m’en fous pas, c’est la loi de Dieu. Le moineau ne se mélange pas au rouge-gorge. Ils sont différents. Ce n’est pas rien ». Jeff Nichols estime d’ailleurs que le racisme a bien sûr été virulent dans le Sud mais que parfois les rapports entre races étaient plus complexes qu’on ne l’imagine. Il raconte dans Positif :  «  je me souviens d’une conversation avec mon père qui m’a parlé de son enfance et de ses contacts avec les petits noirs. Il y avait comme une interdépendance entre les races, qui est souvent absente dans les films sur cette époque dans le Sud. Dans des villages où il  y avait une telle proximité entre Blancs et Noirs, il ne pouvait pas y avoir de rencontres. Cela rend les rapports plus complexes que de simplement parler de ségrégation. Bien sûr, il y avait les toilettes et les bus séparés mais cela n’était pas aussi simple ».Dans le film, Richard est présenté comme beaucoup plus proche de ses voisins noirs que des blancs parfois ouvertement racistes. Son meilleur ami, Raymond Greene, est aussi noir (« aux yeux verts ») et  il participe à toutes les activités familiales de sa fiancée, repas, fêtes…Le lien très fort entre Richard et Mildred remonte visiblement à leur enfance.

Certes, Nichols souligne aussi le racisme intransigeant des Blancs et en particulier des autorités. Ainsi, outre le shérif Brooks, le juge Léon Bazile rend son jugement au nom de Dieu : « le Dieu tout puissant a créé les races blanches, noires, jaunes, malaises, et rouges et les a réparties par continent. Et sans ingérence à ses Dispositions, de telles unions n’auraient jamais lieu. S’il a séparé les races, c’est qu’ils ne souhaitaient pas qu’elles se mélangent ». C’est d’ailleurs cette déclaration qui permet aux avocats de l’ACLU d’espérer faire remonter l’affaire jusqu’à la Cour Suprême. De même, les collègues de travail de Richard ne semblent pas non plus apprécié son union : le jeune homme découvre ainsi sur le siège de sa voiture une brique entourée du reportage de Life sur leur couple.

Mais la réprobation vient aussi des communautés auxquelles appartiennent les deux amoureux. Ainsi, la mère de Richard laisse percevoir son sentiment, après avoir accouché Mildred. Elle dit à son fils « tu n’aurais pas dû épouser cette fille ». « je croyais que tu l’aimais bien » répond son fils mais sa mère insiste : « j’aime beaucoup de monde. Cela ne veut pas dire qu’il fallait faire cela. Tu le savais pourtant ». Dans la famille de Mildred, sa sœur Garnet réprouve aussi la conduite de Richard et l’apostrophe quand le couple part s’installer à Washington : « tu savais ce que tu faisais quand tu l’as emmenée. Tu n’avais pas le droit ». Enfin, Richard se heurte aussi à l’incompréhension de certains de ses amis noirs, qui ne comprennent pas comment il s’est embarqué dans une situation aussi embarrassante: « tous les négros t’envient et toi, tu te laisses avoir ; Toi, tu as une porte de sortie. Moi, j’en ai pas. Toi c’est facile, tu n’as qu’à divorcer ».

 

De fait, Jeff Nichols met en avant la simplicité de ces deux héros : ils opposent l’évidence de leur amour à  tous ces interdits et ces réticences. Quand les avocats Cohen et Hirschkop demandent à Richard s’il a quelque chose à communiquer aux juges de la Cour Suprême, il leur répond simplement : « dites aux juges que j’aime ma femme ». Le réalisateur tient à souligner que les deux jeunes gens ne sont absolument pas des militants : dans le film, alors que le couple vit dans la capitale fédérale, Mildred regarde à la télévision des images de la marche sur Washington qui a eu lieu en août 1963. Elle dit alors d’un ton désabusé :  « on dirait qu’on vit sur une autre planète ».

La jeune femme est présentée comme très proche de la nature, désirant une vie simple près de sa famille. Après l’accident de Donald dans les rues de Washington, c’est elle qui insiste pour rentrer en Virginie, dans un endroit isolé et en pleine campagne. Cette simplicité est d’ailleurs un excellent argument pour leur combat. Ils acceptent d’accueillir le photographe Grey Willet pour Life : son reportage paru en mars 1966 sous le titre The Crime of Being Married met en évidence la banalité de la vie quotidienne du couple : les deux s’amusent d’une émission télévisée, tendrement enlacés sur le canapé de leur salon :  ils semblent complètement épanouis avec leur trois enfants. Ces quelques photos sont une manière très efficace de lutter contre les clichés racistes. A la fin de leur long combat (près de 9 ans de procédures diverses), ils se tiennent en retrait et n’assistent pas à la confrontation ultime devant la Cour Suprême (Mildred est juste informée par l’avocat Cohen de la décision). De toute façon, Nichols a voulu éviter d’insérer trop de scènes de procès, pour en quelque sorte dépolitiser le récit.

Cette vision des choses est peut-être excessive : selon Gilles Biassette, quand ils étaient à Washington, le couple Loving a beaucoup discuté avec Alex, le cousin de Mildred, et sa femme Laura, qui étaient sans doute nettement plus politisés que Mildred et Richard. Les Loving ont vu aussi la marche de Washington, ils ont entendu les chants de Mahalia Jackson et le fameux discours du pasteur King sur les marches du Lincoln memorial. On peut aussi remarquer que leur lutte commence à l’initiative de Mildred, quand elle écrit au ministre de la justice de l’époque Robert Kennedy (c’est lui qui leur conseille de contacter les avocats de l’ACLU). A la fin du film, Mildred semble prendre conscience devant les journalistes qui l’interrogent de l’importance de leur lutte : « c’est pour le principe. Cette loi n’est pas juste. Si on gagne, ça aidera beaucoup de monde ».

Un film de son temps

Ainsi, le film de Jeff Nichols est bien une vision quelque peu différente des longs métrages précédents tournés sur la question raciale. En même temps, il s’inscrit bien dans certaines tendances du cinéma américain contemporain.

Déjà, il fait partie d’une production cinématographique assez abondante sur le sujet, comme le montre la filmographie récente (voir plus loin). On peut d’ailleurs supposer et que la question raciale devrait être au cœur de plusieurs films à venir  : Spike Lee prévoit de sortir en 2018 un film Black Klansman sur un policier afro-américain infiltré dans le Ku Klux Klan de Colorado Springs, selon une histoire vraie qui s’est déroulée en 1978…Ryan Coogler  vient de réaliser Black Panther, sur un super-héros afro-américain, le personnage de T’Challa alias la Panthère noire, venu de l’univers Marvel et qui sera sur les écrans dans les prochains mois. Il serait étonnant que les nombreux incidents entre policiers et noirs, la création du mouvement Black Lives Matter,  n’inspirent pas les cinéastes américains  dans peu de temps.

Le point de vue du cinéaste se rapproche de celle des réalisateurs  de l’époque Obama. Il s’intéresse à des héros ordinaires, qui ont une attitude pragmatique, et ne sont pas des activistes. « Nous ne sommes pas des militants », ne cesse de répéter Mildred Loving…

Enfin, Loving fait aussi partie d’une certaine tendance actuelle du cinéma américain qui s’oppose aux valeurs du président Trump. David da Silva, dans son livre Trump et Hollywood (Lettmotif, 2017) relève plusieurs signes dans des films récents qui vont dans ce sens (cela dit, les films sortis en 2016-2017 ont été tournés en 2015, donc avant l’élection de Donald Trump). Ce cinéma  accorde une attention particulière aux minorités, sujet qui n’est sans doute pas une préoccupation  majeure de Donald Trump. Par exemple, da Silva relève que les personnages principaux de certaines productions récentes sont noirs, comme dans les 7 Mercenaires, d’Antoine Funqua, remake du film de John Sturges de 1960. Le chef de la bande Sam Chilsom est interprété par Denzel Washington alors que le bad guy  Bart Bogue, est selon Ethan Hawke, un avatar de Donald Trump. Dans Stars Wars épisode VII, certains personnages importants sont « devenus » afro-américains, comme Finn, le comparse de Han Solo et l’Empire est une organisation de suprématistes blancs…Moonlight est une évocation des homosexuels de la communauté noire, autant dire deux groupes souvent vilipendés dans l’électorat du nouveau président. On pourrait ainsi multiplier les exemples, d’autant qu’en général les réalisateurs ou les acteurs de ces films ne font pas mystère de leur sentiments envers le nouveau Président. Pour sa part,  Jeff Nichols voit dans l’histoire des Loving une leçon de courage : « j’aimerais que les gens se souviennent qu’il existe un pouvoir individuel comme dans Loving, un couple qui a contribué à faire bouger les lignes malgré tout. (…) Aujourd’hui plus que jamais, j’espère que les personnes qui doutent de leur capacité de résistance vont prendre conscience qu’elles ont toujours les moyens de changer la société, si elles restent fidèles à elles-mêmes » (in La 7ième Obsession  n°8, janvier-février 2017). Dans la lutte idéologique qui semble renaître aux États-Unis, il est probable que le cinéma devrait avoir un rôle à jouer et s’engager encore davantage, en particulier quand il évoque la question raciale.

Pascal Bauchard

 

Bibliographie :

sur le cinéma américain et la question raciale

– Charlotte Aristide, New Jack cinema : sortir ou non du ghetto ?, The Book edition, 2013

– Anne Crémieux, Les cinéastes noirs américains et le rêve hollywoodien,, L’Harmattan, 2004

-David da Silva, Trump et Hollywood, Lettmotif, 2017

-Régis Dubois, Images du Noir dans le cinéma américain blanc (1980-1995), L’Harmattan, 1997

-Régis Dubois, Dictionnaire du cinéma afro-américain, éditions Seguier, 2001

-Régis Dubois, Le cinéma noir américain des années Obama, Lettmotif, 2017

-Cinémaction n°46, le cinéma noir américain, 1988

 

Sur Jeff Nichols et le film Loving

-Gilles Biassette, L’amour des Loving, points Seuil, 2017

– Jérôme d’Estais, Le cinéma de Jeff Nichols, Lettmotif, 2017

– Dossier Jeff Nichols, revue La 7ième Obsession, n° n°8, janvier-février 2017

 

Filmographie : Le cinéma américain et la question raciale

Des Noirs stéréotypés dans le Hollywood classique (années 1900-1940)

Naissance d’une nation, DW Griffith (1915)

Hallelujah!  King Vidor (1929)

Autant en emporte le vent, Victor Fleming (1939)

Stormy weather, Andrew L. Stone (1943)

 

La prise de conscience (années 1960-1970)

La chaîne, Stanley Kramer (1958)

Du silence et des ombres, Robert Mulligan (1962)

Devine qui vient dîner ce soir, Stanley Kramer (1967)

Dans la chaleur de la nuit, Norman Lewinson (1967)

 

La Blaxploitation (années 1970)

Sweet swetback’s baaad assss song, Melvin Van Peebles (1971)

Shaft, Gordo Parks, (1971)

Coffy, la panthère noire de Harlem, Jack Hill (1973)

 

La génération sacrifiée des cinéastes noirs (années 1970)

Bush Marna, Haile Gerima  (1974)

Killer of Sheep, Charles Burnett  (1977)

Passing through,  Larry Clark  (1977)

 

Spike Lee et les autres

Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, Spike Lee (1986)

– Hollywood shuffle, Robert Townsend (1987)

Do the right thing, Spike Lee (1989)

Sidewalk stories,  Charles Lane. (1989)

Jungle fever, Spike Lee (1991)

Malcom X, Spike Lee (1992)

Boyz’n the hood, John Singleton (1991)

New Jake City, Mario Van Peebles (1991)

– Rage in Harlem, Bill Duke (1991)

Get on the bus, Spike Lee (1996)

 

La main droite du Diable, Costa Gavras (1988)

Mississippi burning, Alan Parker (1989)

Amistad, Steven Spielberg (1998)

 

Les années Obama (années 2010)

– Precious, Lee Daniels (2009)

La couleur des sentiments, Tate Taylor (2011)

– Django Unchained , Quentin Tanrantino (2012)

Lincoln, Steven Spielberg (2012)

Le Majordome, Lee Daniels (2013)

– Twelve Years a slave, Steve McQueen (2013)

Selma, Ava Du Vernay (2014)

Dear White people, Justin Siemin (2014)

 

Un cinéma anti-Trump ?

Loving, Jeff Nichols (2016)

Naissance d’une Nation, Nate Parker (2016)

Moonlight, Barry Jenkins (2016)

Get out, Jordan Peel (2017)

Detroit, Kathryn Bigelow (2017)

Black Klansman, Spike Lee (2018)

Black Panther, Ryan Coogler (2018)