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Ce sont quelques exemples de séquences de films utilisées pendant le cours d’histoire et d’éducation civique, parfois de géographie pour les niveaux de sixième, quatrième et de troisième.

L’EXTERMINATION DES JUIFS A PARTIR DE DOCUMENTS AUDIOVISUELS

     Ce point essentiel du programme de troisième peut faire l’objet d’une étude particulière en n’utilisant que des documents audiovisuels. Il se trouve que la bibliographie sur le sujet est considérable et que cette question continue d’inspirer les chercheurs et les documentaristes…Très récemment en 2013- 2014, plusieurs ouvrages importants ont été produits ou réalisés :
-le livre de Sylvie Lindeperg, La voix des images : quatre histoires de tournages au printemps-été 1944, aux Éditions Verdier, qui s’intéresse en particulier aux images produites par les nazis eux-mêmes dans les camps de Westerborck et de Terezin
-le livre de Christophe Delage, sur le cinéaste George Stevens (d’Hollywood à Dachau)
-un film documentaire du même Christophe Delage sur Ford, Stevens et Fuller avec le même titre (d’Hollywood à Dachau)
-le film documentaire de Yael Hersonski, Un film inachevé : quand les nazis filmaient le ghetto…
-bientôt une exposition au Mémorial de la Shoah sur Filmer la guerre :les soviétiques face à la Shoah (1941-1946)

Comme on le sait sans doute aussi, la représentation de l’extermination des juifs a fait débat depuis les années 1950 et continue à le faire…Claude Lanzmann a pris la position sans doute la plus extrême mais peut-être la plus cohérente, en refusant toute image, même d’archives, pour « illustrer » la shoah. Il est allé jusqu’à dire qu’il détruirait tout film tourné en secret par un quelconque SS qui montrerait l’exécution des juifs dans les chambres à gaz…Contre lui, certains historiens comme Annette Wieviorka ou spécialistes de l’histoire de l’art comme Georges Didi-Huberman ont contesté cette attitude radicale…Reste qu’un interdit demeure : en l’absence de toute archive, aucun film de fiction ne s’est permis une séquence montrant les déportés à l’intérieur de la chambre à gaz et subissant leur martyr : Spielberg dans La liste de Schindler ose une scène de douche à Auschwitz mais c’est bien de l ‘eau qui sort des tuyaux : comme on le sait, cette séquence a été diversement appréciée…Aussi, beaucoup de questions se sont posées sur ce qu’il était possible -ou impossible- de « reconstituer » à propos de ces massacres : certains ont tourné la difficulté en montrant l’horreur dans le regard des témoins (c’est ce que fait Costa Gravas dans Amen : la caméra ne nous montre que le visage terrifié de Kurt Gerstein en train de regarder à travers l’œilleton de la chambre à gaz…) : la plupart des films s’arrête aux portes des crématoires mais évoque assez directement les rafles, les exécutions sommaires…
Ce débat a rebondi récemment quand certains producteurs de documentaires, comme Isabelle Clarke et Daniel Costelle , ont voulu rendre l’histoire plus attrayante en colorisant les documents d’archives (ils sont les concepteurs et réalisateurs de la série des Apocalypses qui a connu un très grand succès d’audience); Dans leur documentaire sur la seconde guerre mondiale,sorti en 2009, ils n’ont pas appliqué ce procédé quand ils abordaient le sujet de l’extermination des juifs: de manière assez paradoxale, ils ont affirmé, qu’ils voulaient rendre plus crédibles leur émission en laissant dans ces séquences le noir et blanc d’origine ! Il semble aussi que les organismes qui détenaient ces documents audiovisuels, avaient refusé qu’ils soient ainsi retouchés…Mais il est clair, qu’au moment où les derniers témoins de cette époque disparaissent, le problème des reconstitutions à l’écran risque de se reposer alors qu’on s’éloigne de cette période : nous n’échapperons peut-être pas à un La Shoah en couleurs (!), au prétexte de rendre l’histoire plus attractive…

Aussi, afin de faire réfléchir les élèves sur tous ces problèmes difficiles mais essentiels, j’ai donc rassemblé pour ce cours 5 documents qui retracent le processus d’extermination des Juifs :
-la mise en place des ghettos (extrait tiré de Mein Kampf, d’Erwin Leiser, documentaire de 1960 )
-la « shoah par balles » (extrait inséré dans plusieurs documentaires sur le sujet)
-l’organisation du génocide (extrait de La Conférence de Wannsee de Heinz Schirk)
-la déportation des Juifs depuis le ghetto aux camps d’extermination
(extrait du Pianiste de Roman Polanski)
-l’extermination elle-même (extrait de Shoah de Claude Lanzmann)

A partir du tableau que je propose, on peut imaginer que les élèves le complètent progressivement , en indiquant les différents éléments de chaque document.

Présentation des documents :
Dans la mesure du possible, j’ai voulu varier la nature des documents : les deux premiers sont des documents d’archives mais dont le contexte est complètement différent : le premier extrait est composé d’images des ghettos qui ont été prises par des opérateurs aux ordres de Goebbels, qui comptait s’en servir pour sa propagande antisémite…Mais les nazis se sont vite rendus compte que ces séquences risquaient au contraire de provoquer la compassion et ont donc renoncé à les utiliser.
L’extrait suivant a sans doute été tourné par un soldat allemand mais clandestinement : le cadrage suggère qu’il devait se tenir sur le camion dans lequel les Juifs étaient transportés mais on a très peu d’informations sur cette séquence sans son et d’une qualité d’image très médiocre.
On peut relever que cette question des archives filmées de l’extermination des Juifs est complexe car pour l’instant, les images qui nous sont parvenues sont en général celles prises les nazis eux-mêmes (par exemple, les films de « propagande » réalisés dans les camps de Terezin et Westerborck sur ordre des nazis eux-mêmes : ces images sont présentes dans de très nombreux documentaires, sans que soit toujours mentionnée leur origine ; dans le dernier film de Claude Lanzmann, Le dernier des injustes, le cinéaste intègre quelques vues du film de Kurt Geron, alors qu’il a longtemps affirmé qu’il s ‘opposait à toute utilisation d’images d’archives (il ajoutait même que , si il en découvrait, il les détruirait car elles ne peuvent en aucun cas rendre compte de la shoah, ce qui a provoqué une vive réaction d’historiens comme Annette Wiewiorka…)
Dans le film sur le camp de Westerborck, une séquence tournée dans le camp hollandais présente l’embarquement des juifs dans des wagons à bestiaux : un officier allemand se promène sur le quai, un chien à ses côtés : une vieille femme est emmenée sur un brancard : un opérateur s’est même hissé à l’intérieur d’un wagon pour filmer les déportés en plongée..quand le train s’ébranle, l’on voit des morceaux de papier tomber des ouvertures des wagons….)

Les deux documents suivants sont des films réalisés longtemps après la guerre (années 1980 et 1990), avec des acteurs professionnels…
Le premier retrace les discussions de la fameuse conférence de Wannsee en janvier 1942 dans la proche banlieue de Berlin, d’après le procès-verbal de cette réunion retrouvé après guerre. Le second s’inspire de l’ouvrage autobiographique du pianiste polonais Władysław Szpilman : mais son réalisateur Roman Polanski a lui-même subi en tant qu’enfant juif polonais, les persécutions nazies dans le ghetto de Cracovie (sa mère meurt à Auschwitz). Il explique qu’il a parfois inséré dans le scénario ses propres souvenirs de cette période…Par exemple, le cinéaste d’origine polonaise se souvient de cette vision de rues vides du ghetto, où sont dispersées les nombreuses valises des juifs emmenés vers les camps et il a intégré cette image dans son film….

Enfin, le dernier extrait provient du film monumental de Claude Lanzmann, Shoah sorti en 1985 et qui dure neuf heures trente: on sait que le cinéaste y a consacré près de huit ans de sa vie et qu’il a procédé à un véritable « casting » des témoins avec qui il s’est entretenu. L’intervention d’Abraham Bomba est l’une des plus marquantes et permet aussi de faire réfléchir les élèves sur la mise en scène voulue par Lanzmann : en effet, le déporté survivant est interrogé dans un salon de coiffure, accomplissant pratiquement les mêmes gestes que ceux qu’il effectuait sous les ordres des nazis à Treblinka : lorsqu’il est saisi par l’émotion et qu’il ne répond plus, le cinéaste continue à filmer pendant un long moment et l’entourage à poursuivre, comme ils en avaient décidé auparavant.

Ainsi, la séquence de cours pourrait s’articuler autour de ces documents pour ce qu’ils nous apprennent mais aussi pour réfléchir sur leur nature très diverse : les élèves pourraient ainsi prendre conscience de l’importance de contextualiser les images visionnées pour en mesurer notamment la crédibilité. De ce point de vue, les séquences tournées par les nazis dans les ghettos ont un intérêt particulier : la violence de la situation faite aux juifs transparaît, quand bien même les intentions des nazis étaient de s’en servir pour leur propagande antisémite : singulière puissance des images…
Ce travail s’inscrit tout à fait dans les orientations fixées il y a plus de quarante ans par Marc Ferro : le film doit être considéré comme un document à part entière, qui doit être critiqué et surtout placé dans son contexte…

séquences extermination des juifs

destruction des juifs à l’écran

INTRODUCTION A PROPOS DES SEQUENCES PEDAGOGIQUES

           Au cours de mes années d’enseignant, j’ai été amené à utiliser de très nombreuses séquences de films, de fiction ou documentaires, mais toujours par extraits dans mes cours. Pour des raisons à la fois juridiques et pédagogiques, j’ai évité dans la mesure du possible de passer des œuvres cinématographiques en entier…

Le problème est bien sûr différent quand il s’agit d’un film vu par les élèves lors d’une sortie scolaire, dans le cadre d’associations ou de dispositifs comme Collège au cinéma : dans ce cas, le film peut faire l’objet d’une préparation bien en amont, souvent interdisciplinaire. Il y a peu, les élèves de sixième ont été emmenés à la projection des Temps modernes : avec l’aide de la collègue de français, nous avons pu ainsi évoquer avec les collégiens, les débuts du cinéma jusqu’aux années 1930, la carrière de Charlie Chaplin, et quelques aspects importants du film (nous avons mis ces travaux sur ce blog dans la rubrique documents pédagogiques).
De même, il nous est arrivé de montrer Nuit et brouillard intégralement à des collégiens de troisième : en général, la séance avait lieu en dehors des heures de cours avec seulement les élèves volontaires. Surtout, ce documentaire doit impérativement faire l’objet d’un travail d’accompagnement : la violence des images peut troubler les élèves les plus fragiles, si on ne prend pas la peine d’expliciter le contenu, d’autant que le film garde toute son efficacité….
Grâce aux travaux de Sylvie Lindeperg, nous avons pu ainsi évoquer la genèse du film, son auteur Alain Resnais, les difficultés que ce moyen métrage a rencontrés à sa sortie. Ensuite, nous avons pu faire le point sur ce que nous apprend le film sur le phénomène concentrationnaire, en précisant bien qu’il reflète parfaitement l’état des connaissances à une période donnée : en particulier, la spécificité de l’extermination des juifs n’est pas encore vraiment reconnue par l’historiographie de l’époque (cf article Nuit et brouillard sur ce blog).

    En général, je me suis donc cantonné à ne passer que des extraits de quelques minutes, qui ont fait l’objet d’une exploitation pédagogique parfois sous forme écrite : la seule exception notable est le documentaire de William Karel, Mourir à Verdun, dont je passais un extrait d’une quarantaine de minutes : ce film présente un intérêt certain car la forme en est très aboutie : il mélange ainsi des documents d’origines diverses : un commentaire historique « classique », des documents d’archives provenant en général du Service Cinématographique Photographique des Armées, des séquences en couleurs tournées sur le camp de bataille, enfin des lettres de poilus lues par l’acteur Pierre-André Donnadieu.
J’ai donc privilégié la diffusion d’extraits courts, voire très courts, de quelques minutes à une vingtaine de minutes au maximum (cela a été le cas pour l’extrait du film de Raymond Depardon, Délits flagrants qui évoque le cas de Muriel L. ou pour la séquence finale du J’accuse d’Abel Gance de 1938) : la difficulté est de bien sélectionner l’extrait, pour qu’il soit assez cohérent en lui-même et assez riche pour faire l’objet d’une exploitation pédagogique.Un avantage collatéral de ne passer que de courts extraits est d’éveiller l’intérêt des élèves : très souvent, ils sont bien sûr demandeurs pour qu’on leur passe la suite du film…
En début de carrière, je donnais systématiquement de petits questionnaires pour guider les élèves : en particulier, les questions portaient sur la nature du document audiovisuel (le document est -il d’époque ou reconstitué, est-il constitué d’images d’archives ou est-ce un film de fiction…), ainsi que sur les informations que donnait l’extrait filmique sur le sujet discuté . Par la suite, j’ai souvent renoncé à ce procédé car les élèves avaient du mal à se concentrer à la fois sur les questions, le film qui passait à l’écran, éventuellement le commentaire qui l’accompagnait…Par contre, je leur ai souvent demandé de prendre des notes pendant la projection, ce qui n’est jamais facile pour eux ( ils ont ainsi bien du mal à relever ce qui est important…) : je leur indiquais souvent avant les questions que je leur poserai après la projection. L’essentiel pour moi était qu’ils aient une attitude active et que la diffusion de l’extrait d’un film ne soit pas considérée comme une distraction !
Dans la mesure du possible, j’essaie d’introduire des questions sur la forme proprement cinématographique : comment les personnages sont cadrés, éclairés , éventuellement les mouvements de caméra ou d’autres éléments encore comme la musique. La séquence de La Ligne générale d’Eisenstein s’y prête particulièrement bien : elle est très découpée -les plans sont très courts- avec de forts contrastes de lumière, des visages éclairés par en dessous, des jeux sur les intertitres, de nombreux plans sur mise en marche de l’écrémeuse, avec des images qui évoquent les jeux d’eaux de Versailles ! Tout ce qui fait le style du cinéaste soviétique, mais qui sera considéré comme trop formaliste à l’époque de Staline et dénoncé comme tel…

   Aussi, je vous propose plusieurs documents , que j’ai élaboré au fils des ans :
-des propositions de films utilisés surtout en histoire pour les niveaux de sixième, quatrième et troisième (ce sont les trois niveaux que j’ai assuré pendant toute une partie de ma carrière)
-quelques exemples plus ciblés de travaux que j’ai pu établir sur certains films bien précis
-un éclairage particulier sur un sujet que j’ai présenté en stage…et en classe : l’extermination des Juifs présentés à partir de documents audiovisuels