Archives pour la catégorie A PROPOS DE TOUT ET RIEN, MAIS TOUJOURS DE CINEMA…

Dans cette rubrique, seront publiées des chroniques, ouvertes à tous, sur les sujets les plus variés possibles : l’actualité du cinéma bien sûr mais aussi des sujets ou des problèmes plus particuliers, comme l’utilisation du cinéma dans l’éducation nationale…

Chronique n° 13 : le cinéma populaire et l’identité nationale…

Depuis quelques années, la critique est régulièrement surprise du succès inattendu de films grand public, qui réussissent à drainer une audience très large, au delà souvent des espérances de leurs réalisateurs et producteurs : ainsi dans les années récentes, Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon (2007), Intouchables d’Olivier Nakache et Eric Toledano (2011), Qu’est qu’on a fait au Bon dieu de Philippe de Chauveron (2014) ont obtenu des scores plus que satisfaisants en salles, devançant même parfois les blockbusters américains..Dans les années 1960, La Grande Vadrouille de Gérard Oury avait aussi connu une audience très forte et qui a perduré lors des diffusions à la télévision…

Mais Qu’est-ce que ces succès nous disent de l’état de la France ? Certains n’ont pas manqué de remarquer que ces films sont au mieux d’une qualité assez moyenne, au pire franchement racoleurs…Les dialogues ne sont pas forcément très élégants et les mises en scène très « académiques » comme diraient  certains critiques.

Malgré tout, on est interpellé par un tel engouement du public, qu’il ne s’agit en aucun cas de mépriser. On aura déjà remarqué que tous ces films relèvent du genre de la comédie. Jacques Mandelbaum a fort bien analysé ce type de films qui partagent « l’obsession de l’identité nationale ». Comme il l’écrit, « la déclinaison de ces titres dessine une histoire de la comédie française définie comme reconstituant du corps national mis à mal par les assauts du temps » (Le Monde, 29 juillet 2014).

A chaque fois, il s’agit de réconcilier des éléments contraires du corps de la nation, de rassembler au delà des clivages sociaux et ethniques. Dans Bienvenue, le facteur venu du sud « découvre » les gens du nord . Intouchables nous montre l’entente à priori improbable entre un vieux riche handicapé et un jeune des cités en pleine forme : quant à Quest qu’on a fait au bon dieu ? , les personnages d’origines très diverses surmontent leurs préjugés et leurs antagonismes potentiels pour maintenir l’unité familiale et comme le dit Jacques Mandelbaum, l’unité nationale…On peut aussi rappeler que dans La Grande Vadrouille, deux français bien moyens réussissaient à ridiculiser l’armée allemande, sans que soient vraiment évoqués le régime de Vichy, les « mauvais français », qui ont collaboré avec l’occupant.Bref, ce sont tous des feel good movies, qui nous présente une France sinon apaisée, du moins réconciliée autour de quelques grandes valeurs républicaines partagées…

A ceux qui se plaignent de la médiocrité de la plupart de ces films, Jean Baptiste Thoret rétorque « qu’on a les films qu’on mérite mais surtout qu’on désire ». Et de relever que cette France idéalisée serait celle des Trente Glorieuses, d’avant la mondialisation et d’avant la crise. D’ailleurs, d’autres titres renvoient aussi à des années soixante mythifiées : Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, le film de Jean Pierre Jeunet (2001), les Choristes de Christophe Barratier (2004), ou Le Petit Nicolas de Laurent Tirard (2009)…En quelque sorte, cette tendance du cinéma français, pour paraphraser François Truffaut, répondrait à l’inquiétude des Français moyens face aux problèmes du temps, qui trouveraient au cinéma le moyen d’apaiser leurs angoisses en se replongeant dans « l’âge d’or » des années 60..

Mais un tel cinéma pose problème. Déjà, ces comédies jouent avec les clichés racistes même si on ne peut les soupçonner d’adhérer à des discours d’exclusion. Mais si on ne peut faire aucun procès aux réalisateurs de ces films, ce jeu est dangereux : il n’est pas toujours évident que les spectateurs soient au diapason : pour avoir vu le film de Chauveron avec un public jeune et populaire, il m’a bien semblé qu’il prenait toutes les blagues douteuses des personnages au premier degré, sans y voir quoi ce soit à redire !

De même, comme l’a bien écrit Thoret, ces films ont tendance à occulter le réel : à propos de Qu’est qu’on a fait au Bon dieu, il dénonce « un multiculturalisme de pacotille qui met tout le monde d’accord, qui s’accomplit au prix d’une disparition , celle de la « banlieue » de la tentation extrémiste, des territoires perdus de la République, de la misère sociale et culturelle récupérée par les fous de Dieu » (Charlie-Hebdo, 22 octobre 2014).

Enfin, un tel cinéma peut-il encore exister après les attentats de janvier et novembre 2015 ? (on aura noté qu’ils ont tous été réalisés avant ces évènements…)

La question peut se poser tant les positions semblent s’être figées et que la polémique a enflé ces derniers mois autour de la définition de l’identité nationale. Cependant, on peut apprécier le travail d’un cinéaste comme Philippe Faucon : déjà, il avait réalisé La Désintégration en 2011, qui est un film absolument prémonitoire sur quelques jeunes de banlieue qui sont recrutés par un militant djihadiste pour organiser un attentat en Europe. Faucon a tourné en 2015 Fatima, sur une femme de ménage maghrébine et ses deux filles, dont l’une a un réel désir d’intégration en poursuivant des études de médecine. Le ton n’est ni misérabiliste, ni ironique, ni vulgaire (le fameux parler « lascar » des banlieues!) mais tout simplement compréhensif…(Made in France de Nicolas Boukhrief qui aurait du sortir au moment des attentats le 18 novembre 2015 est aussi une plongée dans les milieux djihadistes : il sortira quelques semaines plus tard…). Ce qui semble clair, c’est que la veine comique n’est plus vraiment de mise et on peut parier que d’autres cinéastes sauront trouver le ton juste pour rendre compte de ces problèmes : il ne faut jamais désespérer du cinéma !

Chronique n° 12 : La critique de cinéma : un (bref) état des lieux….(Pascal Bauchard)

   En cette période de festival de Cannes, il n’est inintéressant de s’interroger sur l’état de la critique de cinéma en France…Ces quelques lignes ne prétendent pas être une analyse rigoureuse mais plutôt l’expression d’un sentiment de lassitude.

Déjà, la soit-disant presse spécialisée (Studio, Première…) apparaît surtout comme un outil de promotion, bien mise en condition sans doute par les attachés de presse, qui n’ont visiblement aucun mal à obtenir des articles au moins complaisants. Les publicitaires excellent à promouvoir les films à coups d’adjectifs dithyrambiques : « émouvant », « excellent », « un vrai regard », « le film le plus troublant depuis… ». A la limite, on peut fort bien se passer d’une telle presse (et on peut aussi y ranger les sites les plus connus de cinéma du genre Allociné).

Mais le problème de la crédibilité se pose également pour une presse à priori plus sérieuse et plus compétente, que ce soit dans la presse écrite (Le Monde, Libération...) soit dans les magazines plus spécialisés du genre Télérama, Positif, Les Cahiers du cinéma

Pour un œil exercé à lire depuis longtemps ce type de presse, il est assez facile de repérer les réseaux de connivence : une complicité certaine existe par exemple entre les rédacteurs du Monde, des Cahiers et de Libération sur leur manière de promouvoir un cinéma d’auteur à tout prix. Il n’est bien sûr pas condamnable en soit de soutenir des approches nouvelles , des visions originales mais l’effet de mode est bien trop visible : on ne découvre pas un Jean-Luc Godard chaque semaine et on s’étonne parfois de la frénésie à monter en épingle le premier film d’un nouveau venu « très prometteur ». De plus, une complicité parfois explicite existe entre ces journalistes et certaines écoles de cinéma : il est assez clair par exemple que les anciens élèves de la Femis bénéficient d’un traitement privilégié…

Dans cette presse, les Cahiers, depuis les années 1950, ont eu tendance à vouloir sinon monopoliser, du moins dominer la critique du septième art. Il n’est pas question de remettre en cause l’évènement qu’a constitué l’apparition de cette revue, de son importance théorique (notamment à travers les idées d’André Bazin) , de l’importance des cinéastes issus de ses rangs (de Rivette à Chabrol, en passant par Truffaut, Godard, Rohmer pour la première génération : mais cet inventaire pourrait être reproduit à plusieurs époques…).

Mais on doit aussi s’interroger sur le contexte historique, la pertinence des analyses des auteurs de la revue, tant sur « une certaine qualité du cinéma français» que sur le cinéma d’auteur. Comme on le sait, plusieurs historiens ont travaillé sur les Cahiers, en relativisant son impact et en soulignant qu’à l’origine, cette revue est loin d’être progressiste. Roman Polanski lui-même débarqué de sa Pologne natale, avoue avoir été déconcerté par la prétention et la maladresse des cinéastes de la Nouvelle Vague. Bref, il faut savoir prendre ses distances avec cette pensée unique de la critique des Cahiers : on peut apprécier à la fois des films novateurs et des longs métrages plus « classiques »…Cette critique style Cahiers a vite fait d’écraser de son mépris les films dont le style est « académique ». Sous leur plume, ce terme est absolument rédhibitoire et permet d’exécuter en quelques lignes les œuvres qu’ils ne leur conviennent pas. Et pourquoi aussi montrer autant de dédain pour certains films-dossiers, qui ne sont peut-être pas des chefs d’œuvre du septième art mais ont le mérite d’attirer l’attention du public et parfois des politiques à propos d’un problème , économique, social, politique, qui avait été sinon occulté du moins sous-estimé ?

Aussi, comment faire ? D’abord se fier à des critiques en qui on a confiance : pour ma part, je suis souvent (mais pas toujours!) les avis de Pascal Merigeau et de François Forestier dans l’Obs. Faire aussi confiance aux magazines qui n’hésitent pas à donner des critiques opposées, comme c’est le cas de Télérama, quand certains films suscitent des débats (par exemple, le dernier film de Bruno Dumont La Loute, est encensé au delà du raisonnable, sauf …par Pierre Murat dans cet hebdomadaire). Dans un autre registre, Michel Ciment rend honneur à sa profession d’origine, l’enseignement, en cherchant à « positiver » même les films trop vite décriés par ses collègues critiques.

On peut aussi pratiquer une attitude inversée, c’est à dire s’intéresser aux films « descendus » par certains critiques : pour ma part, quand on me dit que tel ou tel film est « académique », j’ai comme le pressentiment qu’il risque de me plaire !

En tout cas, la France a la chance de bénéficier d’une presse de cinéma importante et variée : encore récemment, certaines revues sont apparues comme Sofilm, Ciné-bazar ou La Septième obsession, dans des styles et des approches très différents : cette variété, ce dynamisme de la presse de cinéma ne peut que contenter les cinéphiles, si nombreux dans notre pays. Quand on aime la vie, on va au cinéma et la critique peut nous aider à mieux choisir, … à condition de savoir la lire !

chronique n°11 : à propos du Fils de Saul (Pascal Bauchard)

   Projeté sur les écrans français au courant d’octobre 2015, le film de Lazlo Nemes a en quelque sorte réussi sa sortie. La couverture médiatique a été impressionnante (plusieurs articles et une tribune dans le Monde, très nombreux entretiens dans les médias audiovisuels). Globalement , le film a fait l’unanimité en sa faveur et même Georges Didi-Hubermann et Claude Lanzmann, qui s’étaient violemment opposés sur la représentation de la Shoah à l’écran, se sont retrouvés pour saluer le film du jeune réalisateur hongrois. Le philosophe de l’art a écrit un petit livre (Sortir de la nuit, éditions de Minuit, 2015) pour souligner l’importance du film et le réalisateur de Shoah , toujours consulté quand il s’agit d’évoquer un film sur ce thème, s’est laissé aller à un enthousiasme presque incongru à propos de son jeune collègue dans Télérama (24 mai 2015) : « il est jeune, il est intelligent, il est beau (?) et il a fait un film dont je ne dirai jamais aucun mal. » Vu ses réactions aux films précédents sur le même sujet, cette bienveillance de Claude Lanzmann méritait d’être relevée !
Pour notre part, nous avons été extrêmement intéressés par le projet et la démarche du réalisateur. Tout au long de notre carrière, nous avons été amenés à réfléchir sur cette fameuse représentation des camps à l’écran, que ce soit à propos de Nuit et Brouillard, Shoah, La liste de Schindler (nous renvoyons à la fin de cette chronique aux articles déjà rédigés dans ce blog). Nous avons aussi animé, avec Marcel Wander, de nombreux stages auprès des enseignants d’histoire géographie sur ce thème. Aussi, nous avons été particulièrement attentifs à un film présenté comme une réussite par la critique (il a obtenu le Grand Prix du jury au festival de Cannes 2015). Cependant, la rédaction Libération regrette justement « l’absence de débat », comme si une bonne vieille polémique lui manquait (!) et les Cahiers du cinéma reprochent au cinéaste sa « stratégie d’immersion », qui évite de poser et se poser des questions….
Déjà, Nemes a su éviter le piège de la reconstitution historique : plusieurs y étaient tombés avant lui, que ce soit Gillo Pontecorvo dans Kapo (1959), Robert Enrico dans Au nom de tous les miens (1983) , Roberto Benigni dans La vie est belle (1997), et bien sûr Steven Spielberg dans La Liste de Schindler (1994). A chaque fois, les cinéastes avaient butté sur une représentation crédible des conditions de vie dans les camps…Quand bien même ils y seraient parvenus, cette reconstitution aurait été considérée comme incomplète et même immorale. J’ai le souvenir très vif de la réflexion d’un déporté qui visionnait Kapo, lors d’une journée pour le concours de la Résistance. Il m’avait murmuré que « c’était pas mal, mais il manque l’odeur… »

On sait les positions radicales de Claude Lanzmann qui refuse toute reconstitution et même toute archive, au grand dam de certains historiens, comme Annette Wieviorka. C’est d’ailleurs à propos de photos prises par des membres du sonderkommando à Auschwitz qu’il s’était opposé au philosophe de l’art, Georges Didi-Hubermann. On peut cependant remarquer que l’auteur de Shoah a introduit des images d’archives dans son dernier film Le dernier des Injustes (il s’agit en l’occurrence du film de propagande réalisé par Kurt Guron dans le camp de Theresiensadt, Le führer donne une ville aux Juifs).

Une séquence est quasiment proscrite des films qui évoquent « les camps de la mort » : celle qui nous montrerait les déportés à l’intérieur de la chambre à gaz : une des exceptions est la fameuse scène des douches dans La Liste de Schindler qui a fait couler beaucoup d’encre…Dans Amen, de Costa-Gravas (2002), on voit juste Kurt Gerstein regarder l’intérieur de la chambre à gaz et prendre un air horrifié mais la caméra est fixée sur le visage de l’officier, non sur ce qu’il voit…
On a le sentiment que le réalisateur a pleinement conscience de tous ces enjeux et qu’il a su trouver les procédés formels permettant une représentation acceptable de la réalité des camps (certains critiques  reprochent d’ailleurs au film « d’être un exercice de style brillant et habile »). Cette façon de filmer presque en caméra subjective nous permet de voir à travers les yeux de Saul, y compris lorsque l’image est floue autour du personnage très souvent filmé de dos. On peut même penser que la vision du camp du déporté devait être justement imprécise, par volonté de ne pas voir et de ne pas se faire voir (Saul a toujours les yeux baissés, notamment en présence des gardes). De toute façon, le cadre est très souvent resserré sur le personnage principal et le format utilisé -presque carré- accentue l’impression d’enfermement. Une autre « trouvaille »  du film est l’élaboration de la bande son : souvent indistincte, parsemée d’interjections en allemand mais aussi en de nombreuses autres langues : yiddish, hongrois, polonais, ukrainien…tchèque…Les survivants ont souvent évoqué cette espèce de « Babel des langues » qui dominait dans les camps. Beaucoup d’autres bruits inquiétants nous interpellent : bruit de lourdes portes qu’on referme (celles des chambres à gaz), bruits de bottes, et aussi cris des Juifs en train d’agoniser…
Un autre aspect mérite d’être souligné : le jeune réalisateur a pris soin de construire son projet sur des bases historiques les plus incontestables. Il a  pris comme point de départ les témoignages des membres des sonderkommandos eux-mêmes, à la fois ceux retrouvés après guerre cachés dans différents récipients (l’ensemble de ces témoignages a été publié par le mémorial de la Shoah, sous les titre Des voix sous la cendre -2005-)et ceux des survivants . De fait, le film suppose aussi des spectateurs avertis, qui connaissent les différentes étapes de l’extermination des Juifs à Auschwitz.
On peut remarquer que Nemes a bien illustré plusieurs formes de résistance des Juifs dans le camp : les témoignages écrits par les membres du sonderkommando (un des personnages cherche à acquérir du papier au marché noir), la prise de quelques photos de la chambre à gaz par un déporté nommé Alex, celles là-même retrouvées après guerre, et la révolte des membres du commando : seule entorse à la réalité historique, le cinéaste a concentré sur une période brève des évènements qui se sont déroulées sur un laps de temps plus long. Quant à la quête de Saul cherchant à enterrer « son «  fils selon les rites du judaïsme avec l’aide d’un rabbin, on peut l’interpréter comme une métaphore : en s’obstinant dans cette recherche impossible et irrationnelle, Saul retrouve tout simplement son humanité , celle-là même qui est niée par les nazis.
En d’autres termes, nous avons été convaincus par le film de Lazlo Nemes et en tout cas par sa puissance d’évocation, si cela peut avoir un sens. Est ce vraiment « la fin du débat sur la représentation de la Shoah » ? (titre de la tribune de Nathalie Skowroneck dans le Monde du 10 novembre 2015). C’est à n’en pas douter une étape importante qui vient d’être franchie : le cinéaste a réussi une reconstitution de l’univers des camps moralement acceptable et historiquement recevable. A une époque où les derniers survivants disparaissent, cette représentation des camps peut avoir son utilité.

Nuit et brouillard

La destruction des juifs à l’écran

Filmographie les camps à l’écran

chronique n°10 : Les reprises au cinéma : entre plaisir, redécouverte et déception…(Pascal Bauchard)

Depuis plusieurs années, et c’est fort heureux, les salles de cinéma surtout pendant l’été reprennent des films qui sont soit des succès d’antan, soit des films passés inaperçus à leur sortie, voire complètement inédits en France. Certes, on peut considérer qu’il y a peu de chefs d’œuvre vraiment inconnus, reste qu’il y a régulièrement de bonnes surprises et pour certaines  reprises, c’est un réel plaisir de les découvrir ou de les (re) découvrir . Il y a quelques années, est ressorti le film Le Plongeon de Frank Perry, sorti en 1968, mais sans écho particulier : cette œuvre est un vrai bonheur , avec Burt Lancaster dans le rôle principal. L’histoire est franchement originale : selon Allociné, le synopsis est le suivant : dans un quartier huppé du Connecticut où il a passé ses vacances d’été, Ned Merrill se met en tête de rentrer chez lui à la nage, en empruntant chaque piscine se trouvant sur son chemin. Ce parcours se transforme alors pour lui en un véritable voyage initiatique fait de rencontres et d’expériences. Cette œuvre a sans doute beaucoup déconcerté en son temps mais le résultat est étonnant, évoquant notamment les classes aisées sous un aspect peu flatteur et montre une sorte de descente aux enfers du personnage principal , dans une ambiance presque fantastique.
De même, depuis quelques temps, quelques comédies italiennes des années 1950 et 1960 sont ressortis et certaines sont de réelles réussite, comme celles réalisées par Pietro Germi (Divorce à l’italienne, Ces messieurs dames, Séduite et abandonnée…).
L’été dernier, le film de Carol Reed, Le Troisième Homme, qui date de 1949, est ressorti sur les écrans. Alors que son réalisateur a été longtemps sous-estimé (on a même sous-entendu que le réalisateur de Citizen Kane était le véritable auteur du film!) le film garde un impact très fort : le scénario est très prenant et le film a été tourné en décors naturels dans la Vienne dévastée de l’immédiate après-guerre…L’interprétation est remarquable, avec Joseph Cotten, Trevor Howard, et bien sûr Orson Welles qui n’apparait à la fin mais dans des séquences inoubliables (le dialogue avec Joseph Cotten dans la Grande roue, la poursuite finale dans les égouts de la ville) . Le tout baigne dans une atmosphère lourde, qui n’est pas sans rappeler le style de l’expressionnisme allemand. Marc Ferro, dans son livre Cinéma et Histoire, avait bien analysé la portée du film, qui est certes un film de guerre froide mais plutôt favorable aux britanniques que pro-américain.
Par contre, d’autres films que j’ai revus récemment pour diverses raisons, ont perdu de leur pouvoir de fascination ou de scandale…Ainsi, Délivrance de John Boorman (1972), qui fut un choc en son temps, aurait sans doute un impact moindre aujourd’hui. Ce film , qui est l’un des plus célèbres du genre des redneck movies , genre qui a connu son apogée dans les années 1970, comportait des scènes qui ont alors frappé les spectateurs, avec un viol homosexuel présenté pour la première fois (?) et de nombreuses séquences particulièrement violentes. Mais inutile de dire que le côté trash a été depuis très largement dépassé ! Surtout, des critiques comme Jean-Baptiste Thoret, ont longuement analysé ces films ultra-violents, souvent gore, qui se déroule dans le Sud des États-Unis dans des milieux de blancs très pauvres, qui sont dépeints comme de véritables monstres (un autre film emblématique serait Massacre de la tronçonneuse de Tobe Hooper, sorti en 1982).
Enfin, on ne saurait sous-estimer le travail accompli par certaines personnalités (comme Martin Scorsese et sa Film Foundation ) pour restaurer dans de bonnes conditions, certains films dont les copies étaient dans un état déplorable…
Aussi, je suis très favorable à cette politique des reprises amorcée depuis quelques années , notamment dans les salles d’art et d’essai. (elle compense parfois la pauvreté de l’actualité cinématographique du moment !). Elle permet aux jeunes générations de connaître des chefs d’œuvre du septième art dans de bonnes conditions de projection, elle parvient parfois à mettre à jour quelques « perles » négligées en leur temps : en tout état de cause, elle autorise une relecture souvent stimulante de films-évènements et de les replacer dans leur contexte. Même un film devenu « ringard » a son intérêt : si l’esthétique est parfois dépassée, il n’est jamais inutile de s’interroger sur les raisons de son succès à un moment X.
C’est une démarche qui s’inscrit tout à fait dans les recherches d’un Marc Ferro ou de certains jeunes historiens du cinéma, qui ont vraiment renouvelé les études sur les films en s’intéressant aussi à leur réception et au type de public qu’ils avaient touchés.

Chronique n°9 : le film social à la française, un genre honorable… (Pascal Bauchard)

   C’est en lisant la critique élogieuse de Jacques Mandelbaum sur La Loi du marché sorti au dernier Festival de Cannes que m’est venue l’idée d’évoquer un genre qui ne cesse de prendre de l’importance : le film social « à la française ». Mais dans son article, même s’il dit apprécier l’œuvre de Stéphane Brizé,  le critique du Monde ne peut s’empêcher de dévaluer ce genre de film en considérant que «cette appellation (le film social à la française) n’est en général pas un compliment ». Depuis fort longtemps, c’est le lot commun de toute une partie de la critique (Les Cahiers, Le Monde, Les Inrockuptibles…) de traiter ce genre de cinéma avec une certaine distance pour ne pas dire un certain mépris.Comme si le fait d’aborder des problèmes sociaux au cinéma était « passéiste », « convenu », « passé de mode », pour tout dire un peu ringard !
Il y a quelques années, j’ai rédigé un article à propos de The Full Monty, le film de Peter Cattaneo, sur une bande de chômeurs de Sheffields qui s’adonne au striptease pour se renflouer…A cette époque, je constatais que le cinéma britannique avait pris de l’avance sur celui de notre propre pays quant au traitement de tels sujets : les noms de Ken Loach (presque tous ses films mais surtout Riff-Raff, Raining Stones, My Name is Joe), Stephen Frears (The Van), Mike Leigh et bien d’autres encore avaient marqué les esprits, en évoquant les laissés pour compte de l’Angleterre thatcherienne…
Mais déjà je relevais qu’à partir des années 1980, certains réalisateurs français avaient commencé à s’intéresser aux questions sociales, de façon très diverse et à travers des itinéraires singuliers (voire le lien à la fin de cette chronique). Ainsi, Robert Guediguian avait commencé sa série de films qui décrivait le petit monde populaire très attachant du quartier de l’Estaque , avec souvent les mêmes interprètes (Ariane Ascaride, Gerard Meylan, Jean-Pierre Daroussin). Le premier long métrage qui évoque cet univers date de 1989 (Dieu vomit les tièdes) et le cinéaste a continué à décrire ce milieu jusqu’aux Neiges du Kilimandjaro , sorti en 2011…Il faut aussi citer les frères Dardenne, réalisateurs belges, qui portent un regard attentif aux déshérités des sociétés industrielles dans les années 1990 (La Promesse en 1996, Rosetta en 1998). Eux aussi ont persisté dans cette veine jusqu’au film très réussi Deux jours, une nuit, avec Marion Cotillard, sorti en 2014. Au delà de ces cinéastes qui n’ont jamais caché leurs engagements, on peut citer un certain nombre de films qui ont traité la question sociale de manière originale, par le biais de la comédie ou même du film policier : ainsi, Gérard Jugnot réalise en 1991 Une époque formidable, un film assez amer sur les laissés pour compte de la crise ( il y a des scènes d’anthologie de SDF parqués dans le métro!). De même, Pierre Jolivet tourne Fred en 1997 avec déjà Vincent Lindon, qui va devenir en quelque sorte l’incarnation des personnages déglingués par la crise ! Avec une intrigue policière, Jolivet réussit une belle chronique sociale, avec ce qu’il faut d’amertume pour faire ressentir la dureté du chômage qui s’installe alors en France…
Depuis, cette veine ne s’est pas tarie , bien au contraire, et on est frappé de voir que ces sujets dits sociaux ont inspiré de très nombreux cinéastes…Sans rentrer dans le détail, ce qui serait fastidieux, on peut cependant relever quelques thèmes dans ce corpus qui nous semblent significatifs…(voir le lien sur la filmographie sur les thèmes sociaux et économiques à la fin de cette chronique).
Déjà, on peut noter que certains films se sont intéressés à la très grande précarité, ceux qui vivent réellement dans la rue. Dans No et moi, la jeune fille Nora âgée de 18 ans « zone » dans la gare d’Austerlitz, Louise Wimmer dans le film éponyme en est réduite à coucher dans sa voiture… Le cinéma français a de même dépeint ces « déshérités parmi les déshérités », les travailleurs immigrés clandestins (Jallel, le personnage incarné par Sami Bouajila dans La faute à Voltaire (Abeldatif Kechiche, 2000) ou plus récemment Omar Sy dans Samba (Eric Toledano, Olivier Nakache en 2014) où il interprète un jeune sénégalais.
Un autre trait marquant de ce corpus est d’assembler deux personnages issus de de milieux sociaux opposés (en général, un personnage-souvent masculin- des classes aisées et l’autre issu des classes populaires). On sait que cela fut la recette imparable d’Intouchables (2011). Mais ce procédé est depuis très longtemps utilisé : sans remonter jusqu’à Boudu sauvé des eaux, le film de Jean Renoir tourné en 1932, beaucoup de films nous proposent des alliances (souvent des couples) « contre nature » : un PDG et la femme de ménage dans Romuald et Juliette de Colline Serreau (1989), Sandra, une serveuse et un professeur des écoles issu d’un milieu bourgeois dans Un beau dimanche (Nicole Garcia, 2013), un trader et -encore!- une femme de ménage dans Ma part du gâteau (Cédric Klapish , 2011), un professeur de philosophie et une jolie coiffeuse dans Pas son genre (Lucas Belvaux en 2014). En général, ces films mettent en évidence l’arrogance  des personnages bourgeois et la simplicité naturelle des classes populaires, avec un côté édifiant parfois pesant. Mais, avec une certaine lucidité, les réalisateurs insistent sur la difficulté à vivre de ces couples : l’amour triomphe rarement de la lutte des classes !
Enfin, un certain nombre de films s’est aussi intéressé aux rapports entre les classes populaires et l’encadrement qui les recrute et les surveille. On a vu ainsi fleurir un grand nombre de séquences mettant une scène des entretiens d’embauche, plus ou moins réussis ( États des lieux de Jean-François Richet en 1994 ou En avoir (ou pas), de Laetitia Masson en 1995 ) Certains cinéastes soulignent la dureté des rapports entre les cadres moyens et la base ouvrière, quand il s’agit d’améliorer la productivité ou de réorganiser le temps de travail (Ressources humaines de Laurent Cantet en 1999, Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout en 2003).
Ainsi, j’ai du mal à estimer, comme le critique du Monde, que ce genre est un cinéma de seconde zone, un peu trop démonstratif ou militant. Au contraire, il me semble que le cinéma social à la française a donné des œuvres variées dans le ton et la forme, qui méritent l’attention des spectateurs. Pour terminer avec un film qui a marqué le denier festival de Cannes (Vincent Lindon a obtenu le prix d’interprétation pour sa performance d’acteur, récompense amplement méritée), on peut saluer le dernier long-métrage de Stéphane Brizé, La loi du marché. Dans la forme, le dispositif est particulièrement audacieux : Lindon est le seul acteur professionnel alors que tous les autres interprètes sont des acteurs amateurs. Les scènes se succèdent en longs plans-séquences, à la limite de l’improvisation et le résultat est plus que convaincant. On est réellement plongé au cœur de la crise et souvent au bord du malaise : on ne risque pas d’oublier certaines séquences qui nous frappent par leur « effet de réel » : lorsque Thierry (Vincent Lindon) s’insurge contre les stages-bidons que lui propose Pôle-emploi, lorsqu’il est soumis à la critique des autres stagiaires qui visionnent sa vidéo de présentation, surtout lorsqu’il se retrouve vigile dans un supermarché , à faire la chasse à des plus misérables que lui….
Aussi, et malgré une « certaine tendance » de la critique, on peut défendre le film social à la française, qui a le droit au même respect que les autres genres cinématographiques…

Pascal Bauchard

(27 mai 2015)

l’ouvrier dans le cinéma britannique

filmographie sur l’économie et la société au XX° siècle

Chronique n°8 : vocabulaire et histoire du cinéma : que faut-il dire aux élèves ? (Pascal Bauchard)

   Lors des stages que nous avons pu animer, nous avons  constaté que les enseignants avaient parfois des scrupules à utiliser des séquences cinématographiques, alors qu’ils ne maîtrisaient pas complètement les codes du septième art, ainsi que son histoire et son évolution. Ils nous disaient leurs hésitations à diffuser un extrait de film en ignorant les notions de cadrage, de mouvements de caméras, de montage, en occultant son contexte historique. Mais ces craintes à notre avis ne sont pas de mise et il faut déculpabiliser les enseignants quand ils sont amenés à utiliser des extraits de films dans leurs cours :  il y a quelques points à maîtriser mais rien d’insurmontable ! Et en tout état de cause, il ne s’agit pas de leur demander des présentations exhaustives des œuvres qu’ils présentent. On peut juste faire quelques remarques générales qui devraient rassurer nos collègues.

Questions de formes ?
Dans certains cas, il est certain que les questions de forme ne doivent pas être négligées. Par exemple, si on aborde les films d’Eisenstein, il est souhaitable d’aborder la façon dont le cinéaste utilise le montage : c’est même la marque de fabrique du cinéma soviétique de l’époque, à la suite des enseignements de Lev Koulechov (le fameux « effet Koulechov »). Tous ces réalisateurs, comme Poudovkine, Vertov, ont accordé une grande importance à la manière d’agencer les images, pour mieux faire passer leur message politique , car ce sont tous des cinéastes engagés…
Pour avoir travailler sur une séquence de La Ligne générale avec des élèves de troisième (l’arrivée de l’écrémeuse dans le kolkhoze), je me souviens qu’en guidant les élèves par quelques questions préalables, ils avaient parfaitement décrypté le « style » d’Eisenstein : les très gros plans, la lumière éclairant les visages par dessous, les plans très courts et le rythme saccadé et très rapide du montage, le jeu sur les intertitres…, les les jets de lait sortant de la machine comme les grandes eaux à Versailles…Par contre, ils n’avaient sans doute pas compris toutes les allusions sexuelles qu’y voit par exemple Dominique Fernandez : mais l’objectif pédagogique n’était pas là de toute façon !
Pour beaucoup d’autres films, l’enseignant n’aura pas besoin de s’appesantir sur ces questions formelles, qui ne feraient que compliquer l’utilisation pédagogique de la séquence. Grâce aux innombrables documents existant sur internet, parfois aux stages organisés par les inspections dans les académies, les techniques à connaître restent limitées et les professeurs peuvent assez facilement les acquérir…Sur ce blog même, j’ai proposé quelques documents pédagogiques qui peuvent s’avérer utiles. Dans la mesure du possible, on peut se contenter de souligner l’un ou l’autre aspect technique, sans entrer dans le détail…Un détail bien connu est l’utilisation du cadrage en contreplongée pour filmer les dictateurs , souvent de petite taille, dans les films de propagande des régimes totalitaires !

Un art plus que centenaire
Plus complexe me semble être la question de l’histoire du cinéma : que faut-il en dire aux élèves ? Comment la présenter ? Quand on teste leur culture cinématographique comme j’ai pu le faire dans les classes de lycée, on s’aperçoit à quel point leur vision de l’histoire du cinéma est incomplète et manque de cohérence.  Ainsi, les réalisateurs français de l’entre-deux guerres sont assez systématiquement ignorés , comme Jean Renoir, Julien Duvivier, Marcel Carné, René Clair…Les cinéastes anglo-saxons sont mieux connus (en particulier Alfred Hitchcock, John Ford) mais d’autre « oubliés » (Howard Hawks, John Huston…). Le cinéma allemand est surtout connu par certains de ses représentants comme Fritz Lang ou Fredrich Murnau…Il n’est pas question de juger nos élèves mais bien d’essayer de compléter leurs connaissances pour qu’ils aient une approche plus globale du cinéma.

    Cet art plus que centenaire a définitivement une histoire et nos élèves en prennent conscience quand nous avons l’audace de leur projeter des films en noir et blanc, parfois non parlants ! Il est ainsi utile de leur présenter -par extraits- des œuvres du cinéma muet, et dans la mesure du possible, ne serait-ce pour qu’ils se rendent compte que cela existe ! On peut bien sûr diffuser les films de Chaplin mais on peut aussi penser à certains films du cinéma soviétique ou allemand des années 1920 (Nosferatu ou Metropolis). L’expérience m’a montré que lorsqu’ils sont correctement préparés, les élèves peuvent être intéressés par des films d’une autre époque. De ce point de vue, le travail que réalisent les dispositifs Collégiens au cinéma ou Lycéens et apprentis au cinéma est indispensable , surtout lorsqu’ils intègrent dans leur programmation des œuvres du patrimoine, même si on peut contester certains choix qui ont pu nous apparaître inadaptés. C’est en tout cas à chaque fois l’occasion de rappeler que le septième art a déjà une longue histoire derrière lui.

Une production cinématographique encadrée…
Il peut être aussi très éclairant d’évoquer dans quel contexte historique, politique et économique les films ont été produits , en particulier dans nos cours d’histoire. Il se trouve que tous les régimes politiques ont compris très vite l’intérêt de contrôler le cinéma, l’art populaire par excellence, susceptible de toucher « les masses ». On connaît la production très encadrée du cinéma dans les régimes totalitaires (URSS, Allemagne nazie) mais il serait naïf de croire que le cinéma hollywoodien a été complètement libre de toute influence : à partir des années 30 et jusqu’aux années 1950, il est soumis au code de censure très strict et tatillon de la commission Hays, qui édicte toute une série de règles à faire respecter par les cinéastes et leurs scénaristes : des livres récents confirment que la lutte fut âpre entre ceux-ci et leurs censeurs, à toutes les étapes de la création, depuis l’élaboration du scénario jusqu’au tournage…(on pense à l’excellent livre de Gregory Halbout paru en 2013, sur La comédie screwball hollywoodienne, qui montre comment les scénaristes ont rusé avec les instances de censure pour faire passer leurs répliques…) De même, le livre récent de Ben Urwand, La collaboration. Le pacte d’Hollywood avec Hitler, nous apprend les liens pour le moins étonnants tissés entre certains studios hollywoodiens et des représentants de l’Allemagne nazie…

    En bref, même s’ils ont l’impression de ne pas maîtriser suffisamment le vocabulaire du cinéma, son histoire, il ne faudrait pas que les professeurs se sentent bridés  par leurs lacunes supposées, toutes relatives d’ailleurs : on pourrait bien sûr imaginer un enseignement systématique du vocabulaire du cinéma, de l’histoire du cinéma et des différents mouvements, de l’évolution des conditions de production dès les premières années du collège.  Mais nous savons bien qu’une telle approche est impossible à envisager pour des raisons de moyens horaires (elle risquerait aussi d’être un peu fastidieuse). Elle est parfois possible dans le cadre de certaines options comme L’historie des arts en lycée, mais certainement pas dans le cadre du collège ni même au lycée…

Par contre, rien ne nous interdit d’évoquer le vocabulaire ou l’histoire du cinéma de manière ponctuelle, lorsque nous projetons l’extrait d’un film marquant. Ainsi, il peut être très utile d’expliquer tel terme technique (le montage, les cadrages, les mouvements d’appareil..), évoquer telle période ou mouvement du cinéma (le cinéma expressionniste allemand, le cinéma soviétique, la Nouvelle Vague…), expliquer tel contexte (la censure dans les régimes totalitaires, le «code hollywoodien »). Lorsque j’étais encore en fonction, une collègue de français qui participait à l’opération Collégiens au cinéma m’avait sollicité pour préparer ses élèves de sixième à la projection des Temps modernes : nous avions ainsi profité de cette séance pour faire une présentation générale de l’histoire du cinéma ainsi que sur la vie et l’œuvre de Charlie Chaplin.

Au moins, nos élèves pourront prendre conscience à quel point le cinéma est un art important, qui a ses propres techniques et sa propre histoire, sans oublier qu’il peut être aussi une industrie, pour paraphraser Malraux…

Pascal Bauchard

(24 mai 2015)

voir Documents pédagogiques : histoire du cinéma

 

Chronique n°7 : Bertrand Tavernier, un cinéaste pour les professeurs d’histoire…(Pascal Bauchard)

   Pour cette chronique, je voudrais rendre un hommage particulier à un cinéaste apprécié par les enseignants d’histoire. Dès qu’il a commencé à réaliser des films dans les années 1970 (L’horloger de Saint Paul en 1974), Bertrand Tavernier s’est avéré être un « bon client » pour notre discipline.
Déjà, à titre personnel, je partage avec lui beaucoup d’intérêts en commun : ses goûts pour le cinéma américain bien sûr, mais aussi le blues, le jazz (il a consacré un documentaire –Mississippi blues en 1983-un film de fiction Round midnight en 1986- à ces musiques) ,et disons-le la bonne cuisine (!) et donc cette personnalité ne pouvait me laisser indifférent.
Son parcours est aussi intéressant : selon une tradition bien française, il a d’abord été critique de cinéma aux Cahiers du cinéma...mais aussi à Positif. Ce qui montre qu’il n’est pas vraiment attaché à une « chapelle » (quand il a commencé à réaliser des films, il a été dénoncé par les héritiers d’André Bazin et qualifié de cinéaste « académique », un peu tâcheron…). Il a d’ailleurs pris rapidement ses distances avec les cinéastes de sa génération, en utilisant les services des scénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche, honnis par les critiques de la Nouvelle Vague…
Ses activités dans le domaine du cinéma ont été variées :   il a ainsi été scénariste, assistant de réalisation (Pour Jean-Pierre Melville), attaché de presse d’une maison de production et a participé à de nombreux ouvrages de référence sur le cinéma (en particulier, la somme qu’il a écrite avec Jean-Pierre Coursodon sur le cinéma américain : la première édition, Trente ans de cinéma américain date de 1970 et la troisième est en préparation….). Il anime un blog fort intéressant sur les sorties de DVD de films méconnus (cf le lien à la fin de cette chronique) et dirige la collection L’Ouest le vrai,aux éditions Actes sud, qui s’est spécialisée dans l’édition de romans-westerns d’excellente tenue avec des auteurs comme W.R Burnett, Ernst Haycox, Alfred Betram Guthrie Junior…Ces ouvrages ont servi de bases à de très célèbres films de ce genre.
Bref, un homme passionné et passionnant (ceux qui l’ont entendu défendre ses convictions à propos de n’importe quel sujet peuvent en témoigner…).

    Comme d’autre cinéastes de sa génération (René Allio, Franck Cassenti, Jean-Louis Comolli…). Bertrand Tavernier a donc en plus le bon goût de s’intéresser vivement à notre matière et de manière particulièrement intelligente . On put compter une dizaine de films qui mettent en scène l’histoire d’une manière ou d’une autre sur les 26 long-métrages réalisés. J’ai déjà écrit à ce sujet dans ce même blog (cf le lien à la fin de cette chronique) et je n’y reviendrai donc pas dans le détail, si ce n’est pour souligner quelques aspects.

   D’abord, le cinéaste aime bien les périodes historiques « creuses » ,  qui se situent entre les « temps forts » de l’histoire mais pendant lesquelles des évolutions sociales, économiques sont à l’œuvre : ainsi, la Régence dans Que la fête commence (1974), la troisième République de la fin du XIX° dans Le juge et l’assassin (1976), l’Afrique coloniale dans Coup de Torchon (1981), le Moyen-Age du XIV° dans La passion Béatrice (1987), l’après guerre dans La vie et rien d’autre (1989), la guerre des Balkans dans Capitaine Conan (1996), ou plus récemment le XVI° et les guerres de religion dans La Princesse de Montpensier (2010) .

    C’est aussi un cinéaste engagé, qui dénonce de façon parfois manichéenne, l’oppression par les puissants, les classes dominantes…La bourgeoisie arrogante dans Le Juge et l’assassin, la noblesse dans Que la fête commence, les notables coloniaux dans Coup de torchon. Certes, on pourrait s’agacer de ses partis-pris systématiques mais au moins, les films de Tavernier s’intéressent aux laissés pour compte de l’histoire : s’il nous présente de grands personnages, c’est pour mieux en dénoncer les travers voire les perversités…

   Si Tavernier ne dédaigne pas l’anecdote qui accroche, on est loin du cinéma d’un Guitry, toujours prêt à céder au « bon mot » facile et qui de toute façon se range souvent du côté des puissants…Certains ont pu s’énerver que quelques facilités : les clins d ‘œil à l’actualité sont fréquents : il s’amuse à nous présenter le personnage d’un médecin Chirac (!) dans Que la fête commence : plus récemment dans La Princesse de Montpensier, il présente le personnage de Marie comme une « féministe avant la lettre », qui doit se débattre dans un monde d’hommes particulièrement impitoyable envers les femmes. De fait, Tavernier aime mettre en résonance les histoires qu’il raconte avec le temps présent.

    Mais il faut insister sur son ambition d’essayer de reconstituer les mentalités d’une époque et on sait qu’il sollicite en permanence ses conseillers historiques, dès qu’il s’agit de préciser un détail, parfois le plus trivial. On sent que très souvent, le réalisateur se pose la question : « mais comment les gens de l’époque voyaient-ils la chose ? » « Quelles étaient leurs représentations mentales ? » Pour La passion Béatrice, il a tenté, à notre avis avec succès, de traiter des sujets aussi divers que la vie quotidienne dans les châteaux de l’époque, les combats de la bataille d’Azincourt, le sort réservé aux sorcières, l’âme des femmes (!)…Même démarche quand il a réalisé plus récemment La Princesse de Montpensier qui se déroule à une époque que le cinéaste avoue mal connaître ; il s’est intéressé à de multiples aspects  de la vie au XVI° siècle: la nuit de noces (!), l’aspect des combats lors des guerres de religion et il a aussi souvent consulté l’historien Didier Lefur sur tous ces sujets. Aussi, les films historiques de Bertrand Tavernier sonnent « vrai », même si toute reconstitution est évidemment critiquable. Mais sa sobriété (le cinéaste évite les décors trop clinquants) son goût du détail juste fait « qu ‘on s’y croirait »…

    Même lorsque les sujets qu’il aborde ne sont pas directement historiques, Tavernier aime « cadrer large » et replacer ses personnages dans un contexte socio-historique précis : voir les jeunes gens paumés de L’Appât (1995) les policiers de L 627 (1992) , Dave Robicheaux dans la société cajun de Louisiane dans la film Dans la brume électrique (2009) ..Même Quai d’Orsay (2012) qui se présente comme une comédie, est une reconstitution très crédible, selon les spécialistes, du ministère des Affaires étrangères à l’époque Villepin…

   Tavernier est pour nous enseignants d’histoire une source d’inspiration : son goût pour les « zones d’ombre »  de l’histoire et le sérieux de ses recherches est une réelle stimulation à aller voir des points parfois négligés par l’historiographie : quelle bonne idée par exemple d’aborder la première guerre mondiale, en évoquant l’immédiate après guerre (La vie et rien d’autre) ou les combats dans les Balkans (Capitaine Conan)…Pour une fois, on ne nous inflige une énième reconstitution de la guerre des tranchées…
En tout cas, on attend avec impatience son prochain long métrage, persuadé qu’il saura satisfaire d’une manière ou d’une autre, à la fois notre goût pour le cinéma et aussi pour l’histoire !

http://www.tavernier.blog.sacd.fr/

Bertrand Tavernier et l’Histoire

 

Pascal Bauchard

(15 mai 2015)

Chronique n° 6 : les enseignants à l’écran dans quelques films récents (Pascal Bauchard)

L’Esquive, Abdelatif Kechiche (2003)
Entre les murs , Laurent Cantet (2008)
La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2 , Abdelatif Kechiche (2013)
Qu’Allah bénisse la France, Abd Al Malik (2014)
Max et Lenny, Fred Nicolas (2014)
Les Héritiers, Marie-Castille Mention-Schaar (2014)
A 14 ans, Hélène Zimmer (2015)

   En quelques années, le cinéma français nous a proposé des images du professeur à travers plusieurs films , dont certains ont eu une audience non négligeable (on pense à Entre les murs, de Laurent Cantet, sorti en 2008, qui a rassemblé un grand nombre de spectateurs et a obtenu la palme d’or au festival de Cannes de la même année ; en 2014, est sorti le film Les Héritiers , de Marie-Castille Mention-Schaar, qui a fait une carrière très honorable en salles, notamment à destination du public scolaire). Il est ainsi intéressant d’aller voir comment notre profession est représentée à l’écran et si nous pouvons considérer cette image crédible…

Des images variées
D’abord, on est frappé de la variété des représentations des enseignants dans les films récents. En premier lieu, il faut bien dire que dans certains films, les professeurs se distinguent…par leur absence ! Dans le film Vie sauvage, le personnage incarné par Mathieu Kassovitz, père soixante-huitard en cavale avec ses deux garçons, se charge lui-même de leur éducation…Dans plusieurs autre films, les professeurs  ne sont visiblement qu’un élément du décor aux discussions intenses qui se déroulent au fond de la classe entre les adolescents : c’est frappant particulièrement dans le film A 14 ans, d’Hélène Zimmer où les trois jeunes filles, personnages principaux de ce long métrage, Sarah, Jade et Louise, n’accordent qu’une oreille très distraite au cours auquel elles assistent. Dans Max et Lenny (2014) , « l’héroïne » du film ne pénètre même pas dans son collège mais reste à l’entrée. Elle converse seulement avec un enseignant, qui semble éprouver de la sympathie pour elle mais sans réussir à la convaincre de se rendre dans l’établissement ! D’ailleurs, les trois jeunes filles du film A 14 ans ne se font guère d’illusions : elles vont avoir leur brevet (« mais tout le monde l’a! ») et elles vont se retrouver au lycée professionnel…
Par contre, dans d’autres films plus ou moins récents, le portrait des enseignants est plus gratifiant : dans son film autobiographique Qu’Allah bénisse la France, Abd Al Malik évoque sa professeure de français Mlle Schaeffer (interprétée par Mireille Perrier) et souligne le rôle qu’elle a joué dans sa motivation à continuer des études longues. Elle vient même assister à l’un de ses concerts de rap et à le féliciter pour son talent. De même, on n’a pas toujours relevé suffisamment l’importance qu’un cinéaste comme Abdelatif Kechiche accorde à l’école républicaine. Dans deux de ses films, L’Esquive (2003) et La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2 (2013), il tourne de longues séquences où sont mis en valeur des professeurs de lettres…Dans le premier, l’enseignante amène les élèves à comprendre tout l’intérêt de la pièce de Marivaux, Les Jeux de l’Amour et du Hasard. Les adolescents font plus que de se prendre au jeu et s’engagent complètement dans le projet de leur enseignante. Vers la fin du film, certains d’entre eux sont brutalement interpellés par des policiers visiblement ignares et on comprend bien qui sont « les barbares » pour le cinéaste. De même, dans La vie d’Adèle, la jeune lycéenne se passionne pour les cours sur Marivaux , la Princesse de Clèves (!) et Antigone…Et surtout, elle tire des réflexions de ses enseignements des leçons de vie, qu’elle compte bien suivre à titre personnel. Cette soif d’école, Adèle la vit jusqu’au bout puisqu’elle finit par devenir professeur des écoles en maternelle…

Entre réalité et mythe
Mais dans cette liste de films, deux surtout ont retenu notre attention : d’abord parce qu’ils ont eu un certain succès et aussi parce qu’ils présentent deux images bien contrastées du métier d’enseignant.
Le premier est celui de Laurent Cantet, Entre les murs, qui obtient un réel succès à sa sortie en 2008. Il est inspiré du roman homonyme et autobiographique de François Begaudeau, qui a bien sûr participé au scénario et incarné lui-même le personnage principal. Mais l’originalité du film a été de faire participer les jeunes acteurs amateurs par le biais d’ateliers d’écriture qui se sont étalés sur près d’une année scolaire. Au total, une impression très forte de vécu, de scènes « prises sur le vif », de moments « tels quels », qui rappelleront à beaucoup d’enseignants des réalités quotidiennes. D’ailleurs, les jeunes interprètes sont remarquables de vérité, peut-être d’ailleurs parce qu’ils ne jouent pas un rôle mais se content d’être eux-mêmes…(cela dit, cette affirmation est à nuancer : Laurent Cantet nous apprend ainsi que le jeune qui incarne Souleymane a un caractère à l’opposé de son personnage !).
Quand j’avais visionné le film à l’époque, j’avais ressenti une impression de malaise devant l’attitude ambiguë de ce jeune enseignant « qui n’y arrive pas ». Pétri de bonnes intentions, il ne veut pas se laisser aller à une attitude uniquement répressive et tente de « donner la parole «  aux élèves, afin « qu’ils construisent leur savoir », selon la formule consacrée…Mais très vite il est débordé par l’agressivité, la mauvaise foi de ces adolescents, prompts à critiquer le système mais sûrement pas à se remettre en cause. Ils ont vite fait de se poser en victimes et contrent systématiquement toutes les tentatives de François de les faire travailler. Il va d’échec en échec et ses leçons tournent rapidement à des discussions et âpres et confuses (l’explication du mot succulent, l’emploi du subjonctif, l’étude du Journal d’Anne Frank…). Le jeune enseignant est d’autant plus désarçonné qu ‘il est sans doute un des seuls professeurs du collège à essayer de « comprendre » et de défendre ses élèves et il se retrouve régulièrement mis en accusation par les adolescents, qui savent jouer admirablement sur son sentiment de culpabilité…Daniel Serceau dans son livre L’école en crise au cinéma (Armand Colin, 2013) estime que ce comportement renvoie à la période coloniale, alors que les Blancs opprimaient les populations noires. C’est donc une façon pour François de « rembourser sa dette » pour les injustices que ses ancêtres auraient commis envers les colonisés de l’époque…Ce n’est que contraint et forcé que le jeune professeur finit par demander un conseil de discipline pour Souleymane, son élève le plus perturbateur. Il dérape même lors qu’il reproche à la déléguée Esmeralda, d’avoir eu « une attitude de pétasse » lors du conseil de classe. Un sentiment de gâchis domine la fin du film. Lorsque le professeur demande à ses élèves ce qu’ils ont retenu de leur année scolaire, il est désemparé quand Henriette lui avoue qu’elle n’a rien appris, rien compris…Bien sûr, le cinéaste et Begaudeau se gardent bien de généraliser leur vision de l’école et martèlent qu’il s’agit d’un collège particulier, d’une expérience particulière…Reste l’image d’un corps enseignant englué dans ses contradictions, entre pédagogie ouverte, transmission du savoir, démocratie à l’école…
En contrepoint, Les Héritiers, sorti en 2014, nous propose le portrait chaleureux d’une enseignante d’histoire géographie, professeur principal d’une classe de seconde au lycée Léon Blum de Créteil qui a affaire au même genre de public scolaire que François dans Entre les murs et qui s’en sort tout autrement (on pourrait suggérer François s’inspire des méthodes de sa collègue !). Le film est réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar, sur un scénario d »Ahmed Dramé, un des lycéens de cette fameuse classe, et qui s’inspire d’une histoire « vraie » (dans la réalité, il s’agit de la classe de seconde 4 au cours de l’année scolaire 2008-2009 et Mme Guégen se nomme Mme Angles). Ce professeur est presque un modèle, comme ceux qu’on nous propose lors des stages de formation des professeurs en IUFM et maintenant ESPE : d’abord elle a une autorité naturelle qui s’impose aux plus perturbateurs : elle garde son calme en toute circonstance, même devant les insolences et l’intolérance de ses élèves. Surtout , après son absence à cause du décès de sa mère, elle se rend compte à quel point l’ambiance dans la classe est détestable. Aussi, elle parvient à les convaincre de participer au concours de la Résistance de l’année, dont le sujet est les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi. C’est presque un sans faute pédagogique que réussit l’enseignante, interprétée de façon très convaincante par Ariane Ascaride, et on reconnaît là la pédagogie de projet prônée par nos instances (on n’est d’ailleurs pas vraiment étonné de retrouver un long entretien avec Philippe Mérieu dans la brochure de présentation du film, qui rappelle les principes de cette démarche, qui doit rendre les élèves plus actifs et plus autonomes). Et tout fonctionne : certes, il y a des élèves réticents, comme celui converti à l’islam qui a l’intransigeance du néophyte et qui refuse de s’intégrer au groupe , mais même Mélanie, la plus rebelle et la plus indisciplinée, se laisse convaincre, en découvrant le parcours d’une autre jeune fille insolente passée par les camps, Simone Veil… Les élèves les plus timides, comme Théo, prennent confiance et découvrent des réalités qu’ils ne soupçonnaient pas. Après avoir visité le Mémorial de la Shoah, un des moments forts est leur rencontre avec un ancien déporté Léon Zyguel, séquence tournée en une seule prise…le happy end pédagogique est bien au rendez vous et les lycéens remportent l’édition 2009 du concours de la Résistance. Ahmed Dramé nous précise que ses camarades et lui ont été à nouveau motivés par leurs études et qu’ils ont obtenu le bac deux ans après avec mention…
Bref, une histoire basée sur des faits réels, mais très (trop) édifiante, un « hymne enthousiaste à la pédagogie active». Là encore, l’enseignant que j’ai été se sent quelque peu gêné…Bien sûr, pour avoir aussi participé à des concours de la Résistance avec mes collégiens, j’ai pu mesurer l’intérêt de ce type de travail, et en particulier lorsque nos élèves étaient confrontés à des témoins de l’époque…J’ai aussi pu constater que ce type de pédagogie pouvait motiver certains de mes élèves, plus efficacement qu’un cours classique…Mais on peut être réservé quant à l’exemplarité et l’efficacité d’une telle pédagogie pratiquée de manière systématique : par moment, le film ressemble d’ailleurs à une mise en image des théories des « pédagogistes » les plus notoires et cette démonstration pourrait paraître pesante à certains : si on a connu certains succès en pratiquant ce type d’enseignement, il y a eu aussi bien des échecs et imaginer que l’école sera sauvée par la généralisation de ce genre de pratique pédagogique nous semble une illusion, peut-être même une illusion dangereuse.
En tout cas, d’un film à l’autre, on mesure l’évolution de l’image de l’enseignant : entre le François d’Entre les murs, aigri et perdu dans ses contradictions et la figure charismatique de Mme Guéguen, il y a comme deux représentations qui s’opposent…Et les enseignants d’aujourd’hui auront peut-être du mal à s’identifier à l’une ou l’autre de ces figures. Mais on peut aussi espérer que le cinéma va nous offrir des portraits plus nuancés dans les films à venir, où les enseignants ne seront ni des aigris ni des activistes de la pédagogie active, des profs normaux en quelque sorte…

Pascal Bauchard

22 avril 2015

Chronique n° 5 : les cinéastes noirs dans le cinéma américain d’aujourd’hui (Pascal Bauchard)

Le Majordome, Lee Daniels
Twelve Years a slave, Steve McQueen
Selma, Ava Du Vernay
Dear White people, Justin Siemin

   En près de deux ans (2013-2015), plusieurs films sortis aux États-Unis, ont été réalisés par des cinéastes afro-américains sur des sujets qui concernent leur minorité : Le Majordome par Lee Daniels , Selma par Ava DuVernay et tout récemment Dear white people par Justin Simien. On peut même y rajouter Twelwe years a slave, qui est l’œuvre de l’artiste britannique Steve McQueen, qui se trouve être également noir. Toutes ces œuvres nous amènent à nous interroger : existe-t-il vraiment une façon particulière d’appréhender l’histoire de la communauté noire, lorsque le film est réalisé par un afro-américain?

Un combat déjà ancien
Lorsque notre équipe d’enseignants il y a quelques années avait consacré un dossier à Do the right thing , j’avais déjà évoqué ce problème de l’absence de réalisateurs noirs dans le cinéma américain et en particulier hollywoodien, jusqu’à la percée de Spike Lee : après une très longue attente, la communauté afro-américaine a enfin des cinéastes à sa mesure et le réalisateur de Nola Darling est devenu la tête de file d’une nouvelle génération de cinéastes afro-américains , désireux de trouver leur place dans le cinéma américain.  Spike Lee est d’ailleurs très offensif et ne rate aucune occasion pour que les cinéastes afro-américains soient reconnus dans le cinéma américain. Il va tout faire pour obtenir la réalisation de Malcom X, sujet que Norman Jewinson voulait également traiter ( c’est le réalisateur du grand film antiraciste Dans la chaleur de la nuit, sorti en 1967). Il s’en prend à Woody Allen, à qui il reproche d’occulter la population noire dans ses films new-yorkais…Encore récemment, il a refusé d’aller voir Django Unchained de Quentin Tarantino car il estime qu’il est « irrespectueux » envers ses ancêtres…
Dans les années 1980, le cinéma afro-américain semble un peu plus présent, avec l’émergence de plusieurs réalisateurs importants comme John Singleton par exemple, auteur du très réussi Boyn ‘z the Hood (1991) puis de Shaft (2000) ou de Mario Van Peebles, qui tourne New Jake City en 1991…Mais par la suite, le cinéma noir connaît sinon une régression, du moins un certain immobilisme. Les deux cinéastes cités se tournent vers des films moins « marqués » politiquement : des films d’action pour John Singleton (Identité secrète, Flow, 2 Fast and 2 Furious) , des séries -plutôt réussies d’ailleurs- pour Mario Van Peebles (the Boss, Damages, Sons of Anarchy...). Spike Lee lui-même réalise des films d’action de grande qualité mais sous doute moins « engagés » que ses premiers longs métrages (Summer of Sam en 1999 ou Inside Man en 2006). Cependant, il reste concerné par la question (Get on the bus sorti en 1996  est un documentaire qu’il a réalisé à propos de la One Million March, organisée par le groupe Nation of Islam…).  Pendant cette période des années 1990, le grand film de fiction sur la communauté noire, Amistad, sorti en 1998, est réalisé par Steven Spielberg…

Un intérêt nouveau ?
Depuis les années 2000, on a le sentiment d’un retour de ces films politiques sur l’histoire de la communauté noire aux États-Unis. Le Majordome , réalisé par Lee Daniels, évoque le personnage d’un domestique haut placé à la Maison Blanche , Cecil Gaines incarné par Forrest Whitaker , inspiré par la vie d’Eugene Kelly qui a servi pendant 34 ans les différents présidents américains : le film balaie ainsi toute l’histoire des noirs aux États-Unis depuis les années 1950. Selma , que tourne Ava Du Vernay, retrace les très graves incidents qui se sont déroulés en 1965 dans cette petite ville d’Alabama : le film insiste sur le rôle joué par Martin Luther King dans l’organisation des manifestations et montre bien comment ces événements ont amené le président Johnson à lever toutes les restrictions empêchant le vote des Noirs dans le sud des États-Unis . Dear white people du jeune cinéaste Justin Siemin décrit les relations raciales tendues au sein de la prestigieuse Université de Winchester. En réalisant Tweve Years a slave, le cinéaste britannique Steve McQueen s’est intéressé à l’aventure en tout point extraordinaire de Solomon Northup, homme libre , enlevé et resté esclave pendant 12 ans , au milieu du XIX°, quelques années avant le début de la guerre de Sécession…

Une vision différente…
La plupart de ces cinéastes avaient déjà entamé leur carrière quand ils ont réalisé les films que nous évoquons (c’est le cas pour Lee Daniels, auteur d’un film à succès Precious et Ava Du Vernay) et certains d’entre eux s’étaient déjà signalés dans des projets engagés : c’est le cas en particulier de la réalisatrice de Selma, qui se revendique comme cinéaste noire, en y ajoutant la dimension féministe (elle ne craint pas d’affirmer : « I’m a black woman filmmaker. ») . Pour Steve MC Queen, d’abord plasticien, il s’est déjà fait remarquer par deux films très particuliers, Hunger qui raconte la grève des militants irlandais à l’époque de Margaret Thatcher (2008) et Shame, la chronique sexuelle d’un yuppie new-yorkais (2011). Quand on lui demande en quoi il est concerné par l’esclavagisme aux États-Unis, le cinéaste, dont les parents viennent de la Grenade, estime que ce fut un phénomène mondial. Comme il le dit justement, « il se trouve que le bateau de mes ancêtres (esclaves) est allé vers la droite alors que d’autres membres de ma famille allaient vers la gauche »…Par contre, Justien Siemin est un tout jeune réalisateur, qui a surtout des courts métrages à son actif.  Souvent comparé à Spike Lee qui, en son temps, avait aussi tourné une comédie remarquée (Nola Darling ), il se veut l’héritier plutôt d’Ingmar Bergman et de Woody Allen (ce qui ne doit pas  faire vraiment plaisir au réalisateur de Do the right thing). En tout cas, ces quatre metteurs en scène abordent des sujets sensibles dans la communauté afro-américaine, de l’esclavage au XIX° à l’intégration contemporaine dans les universités, en passant par la lutte pour les droits civiques des années 1960. Plusieurs de ces films ont provoqué des débats aux États-Unis mêmes : en particulier , Selma a été critiqué par certains, et notamment sur le rôle du président Johnson.

   Au delà de ces quelques remarques, il nous semble que plusieurs choses peuvent être relever. D’abord, la plupart de ces films n’hésitent pas à mettre en scène des conflits à l’intérieur de la communauté noire : dans Le Majordome, Cecil Gaines se heurte à son propre fils, écœuré de la « lâcheté » de son père face aux Blancs : dans Twelve Years a slave, Solomon n’est pas solidaire des plus radicaux de ses compagnons d’infortune : dans Selma, le film nous montre bien les discussions âpres qui ont pu exister entre les dirigeants du mouvement des droits civiques, à propos de la stratégie à adopter…Enfin, dans Dear white people, l’égérie des étudiants noirs Sam White s’oppose directement à Troy Fairbanks, fils du responsable noir de l’université…Ainsi, les afro-américains apparaissent bien divisés, souvent entre les plus radicaux et ceux partisans d’une soumission apparente (l’accusation d’oncletomisme est souvent implicite, parfois explicite comme dans Le Majordome ou Dear White people...). On peut d’ailleurs relever que dans ces films, les personnages « raisonnables » semblent, tout compte fait, l’emporter…et la solution la plus radicale est toujours un échec (le radicalisme du fils de Cecil Gaines n’aboutit à rien, pas plus que l’activisme des amis de Sam dans Dear white people).
Il est un autre point à noter : en aucun cas, les « héros »  de ces films ne sont présentés comme infaillibles et monolithiques : ce sont des personnages fragiles avec leurs doutes, parfois leurs faiblesses, parfois même leur lâcheté…Le majordome Cecil Gaines a bien du mal à se dégager de sa mentalité de domestique, Martin Luther King se montre en privé bien hésitant, Solomon fait profil bas devant ses maîtres et ne se laisse pas tenter par des solutions radicales, comme prendre la fuite ou se rebeller…Même dans Dear White people, Sam, qui est métisse, redécouvre à la fin du film son ascendance blanche et délivre un message de tolérance (est-ce un clin d’œil entendu envers Barak Obama?). Leurs personnages ne sont pas toujours montrés à leur avantage : ainsi dans Selma, une séquence vers le début du film, nous montre les dirigeants noirs en train de discuter de la stratégie à adopter face aux racistes blancs. On a -un temps- l’impression que Martin Luther King espère une réaction violente des autorités locales pour obtenir une plus grande audience médiatique…En bref, un leader plutôt manipulateur, même si c’est pour la bonne cause ! On est bien loin des personnages superhéros blacks des films de la Blackexploitation , comme ceux de Melvin Van Peebles (Sweet Sweetback’s Baad Asssss Song) Gordon Parks (Shaft) : récemment, c’est Quentin Tarrantino, qui a réactualisé ce type de personnage dans Django Unchained…

   Ce qui semble certain, c’est que ces cinéastes abordent la question raciale avec plus de liberté (?) que leurs collègues « blancs » : ils n’hésitent pas à présenter une communauté afro-américaine divisée, des personnages complexes et ambigus…C’est cette épaisseur psychologique et historique qui fait l’intérêt de leurs films. On n’est plus à l’époque des années 1950 et 1960 où les acteurs noirs comme Sidney Poitier ou Harry Belafonte revendiquaient des rôles « positifs » pour les membres de leur communauté. On n’est pas non plus à l’époque de Spike Lee, dont les films pouvaient sembler manichéens à certains : à travers plusieurs de ses longs métrages (Do the right thing, Jungle fever, Malcom X...), le mélange des communautés y est présenté comme impossible et de toute façon pas vraiment souhaitable…Il semble bien que les cinéastes noirs aient passé un cap et qu’ils abordent aujourd’hui des questions sensibles, y compris dans leur propre communauté, avec une vision plus distanciée. Une certaine critique française reconnaît que ce sont des œuvres utiles, et nécessaires, pédagogiques (!), mais leur reproche leur classicisme, leur retenue , leur volonté d’arranger tout le monde. On peut trouver cette opinion un peu condescendante et surtout décalée par rapport à la réalité américaine : ce regard des cinéastes noirs a le mérite de proposer une vision nouvelle sur leur propre histoire, sans tomber dans le manichéisme qu’on aurait été prompt à leur reprocher.

Pascal Bauchard

(4 avril 2015)

chronique n°4 : Xavier Dolan, l’ascension d’un (ciné)fils prodigue (Aurianna Lavergne)

   L’année dernière, Mommy de Xavier Dolan remportait la palme du jury au festival de Cannes, et avec elle, le coeur des spectateurs. Méconnu auparavant du grand public, ce cinéaste québécois de 25 ans avait déjà écrit et réalisé quatre films. Qualifié par la critique comme “une étoile montante”, il s’est imposé sur la scène internationale du grand écran depuis son dernier succès au box-office et au festival de Cannes.
Lorsque j’ai découvert l’art de ce cinéaste à l’accent chantant, j’ai été touchée par son travail qui m’a semblé différent de ce que j’avais pu voir jusque là ; j’ai ainsi décidé de tracer son portrait à travers son œuvre, qui porte à croire qu’il saura un jour mener sa barque parmi les plus grands. J’ai travaillé sur les étapes qui ont transformé sa filmographie, tout en essayant de déchiffrer ses inspirations artistiques.
Encouragé par une enseignante à s’exprimer sur des sujets intimes, Xavier Dolan écrit, lors de ses années lycée, une nouvelle sur le thème de la haine infantile, intitulée à l’époque Le matricide. Quelques années plus tard, en 2009, il réalise à partir de ce brouillon son premier film, J’ai tué ma mère. Le budget imposé par la productrice n’étant guère très élevé, le jeune homme est contraint de faire appel à son imagination artistique.
Comme les cinéastes de La Nouvelle Vague, il débuta très tôt, sans gros moyens mais avec des idées plein la tête. Avec son second film, un an après, son romantisme adolescent à fleur de peau réapparaît dans Les amours imaginaires. Comme pour donner du relief à ses premières œuvres, le réalisateur tente tout d’abord de s’adonner à une originalité qui ne se traduit pas par ses sujets. En effet, des thèmes comme le triangle amoureux, la recherche de l’amour, sont abordés sous un angle qui aurait pu être davantage approfondi.
D’ailleurs, la réalisation très littéraire semble être une compensation au manque d’expérience, ce qui peut se révéler irritant ; de fait, elle se veut très sensible, mais chaque trait de caractère, chaque émotion est trop accentué. De plus, les émotions sont dévoilées, à nu, sans mystère. Dans ses premières réalisations, pleines d’emphase, Dolan n’hésite pas à avoir recours aux abondantes citations d’auteurs reconnus, comme Maupassant dans J’ai tué ma mère, qui citait : “Ma mère, à toi je me confie, des écueils d’un monde trompeur, écarte ma faible nacelle, je veux devoir tout mon bonheur, à la tendresse maternelle”. Bref, ces deux premiers films se veulent empreints de poésie, mais le manque d’expérience se révèle sincère, et sûrement n’étaient-ils majoritairement réservés qu’à un public adolescent…

   Malgré cela, il faut reconnaître certaines qualités au jeune cinéma de Dolan. Ce qui, pour moi, constitue une nouveauté qui fait de lui une singularité, est l’utilisation qu’il fait de la caméra ; les mouvements sont nerveux, c’est à dire que les plans sont très courts, et la caméra manipulée à la main, très mobile. L’aspect positif de cette manipulation est que l’atmosphère de l’histoire en ressort plus close, plus intime – comme les relations entre les personnages. L’esthétique à l’écran semble d’ailleurs dès le début très chère à Dolan ; il singularise son cinéma et montre qu’il n’a pas peur de sortir des normes en utilisant abondamment le flou, le ralenti, le très gros plan ou encore le regard caméra, très prisé.
Le grand tournant à l’écran du cinéma de Dolan intervient pour Laurence Anyways, en 2010. Pour ce troisième film, le réalisateur choisit cette fois ci de ne pas jouer un rôle et d’ailleurs le personnage principal est très éloigné de lui. En effet, il s’agit d’un professeur de lettres dans la quarantaine, souhaitant devenir femme. On est déjà loin des problèmes d’adolescents rencontrés dans J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires. Si Dolan interprétait un des protagonistes centraux de ses précédents films, Laurence Anyways opère une catharsis avec le cri narcissique d’un artiste qui semble en premier lieu trop préoccupé par son personnage, lui-même.
En tout cas, avec cette troisième œuvre, Xavier Dolan s’ouvre sur un problème de société, et il consent à devenir un artiste pour le monde. Chez lui, on découvre alors une sensibilité exemplaire, qui se caractérise par sa faculté à se glisser dans l’âme et dans l’existence d’un être qui lui sont étrangers. Ce geste neuf à l’écran vient épauler ce que vit Laurence Alia : il bouscule des ordres fossiles, invente son propre chemin. C’est une révolution dans son art comme dans son thème.
Malgré tout, si le sujet majeur de l’œuvre est différent cette fois, par sa profondeur et son impact, on retrouve des thèmes aimés de Dolan, comme la sexualité, la recherche de l’autre et de soi, la relation avec la mère, et en général les conflits violents. Seulement cette fois, ces sujets sont traités avec plus de maturité. A croire que son année sabbatique entre Les amours imaginaires et Laurence Anyways lui a été bénéfique !
Quoi qu’il en soit, l’opération de changement continue avec Tom à la ferme. A nouveau, Dolan se révèle surprenant. Il revient, certes, sur la scène en incarnant le rôle principal, mais plus humblement. A partir d’une histoire de passion amoureuse dans un cadre campagnard, il joue pleinement le suspense, en épousant parfaitement ce genre de cinéma. Quoi de plus surprenant d’ailleurs, car personne ne l’aurait attendu sur ce terrain. Il y multiplie les références à l’œuvre de Hitchcock, bien senties et bien exécutées, comme un rideau de douche soulevé façon Psychose ou un jeu de gémellité physique comme dans Sueurs froides.
La littérature poétique est donc mise de côté, et le spectateur se retrouve face à une atmosphère irrespirable. Déjà, dans Laurence Anyways, on avait cette peur incontrôlable de l’inconnu qu’on ne cherche pas à connaître, ce que Dolan moque avec sa réplique prolifique et ironique : “C’est spécial”. Autrement dit, selon lui, la société n’a pas l’ouverture d’esprit pour comprendre la différence, ou au moins avouer que cela lui fait peur.
A travers le changement d’interprète principal, Dolan garde toutefois certains acteurs qui lui sont chers, comme Suzanne Clément ou Anne Dorval, québécoises toutes les deux. Dans son prochain film, intitulé The Death and Life of John F. Donovan, il a choisit un casting plus américain, faisant appel à Kit Harington de la série Game of Thrones, ou Jessica Chastain, connue notamment pour ses rôles dans Take shelter, The tree of Life, La couleur des sentiments et plus récemment The most violent Year.
Ce que j’ai remarqué dans le cinéma Dolannien, c’est l’importance apportée aux femmes. Comme le réalisateur le dit lui-même : “Je serais toujours un cinéaste de femmes”. Si la figure maternelle est mise en avant, le sexe féminin, dans son ensemble, joue un rôle de muse représentant des femmes remarquables, à la personnalité attachante. Leur attribuant une force de caractère hors du commun, on voit dès ses débuts que son but n’est ni de les caricaturer, ni de les rendre creuses. Elles sont bien encrées dans la réalité, ayant des problèmes de famille, des ennuis, des amours, mais sont loin d’être banales..
Au final, il me semble que le cinéma de Xavier Dolan vaut le détour. S’il se cherchait encore dans ses premiers films, je pense que ses œuvres plus récentes sont bien plus convaincantes. Seulement, il est dommage que sa nouvelle maturité ne soit pas aussi présente sur la scène médiatique qu’à l’écran. Démontrant avec des tweets virulents sa déception de ne pas être allé aux Oscars, on peut s’interroger si le jeune réalisateur ne se détournera pas rapidement de son art indépendant pour accomplir le “rêve américain” visant Hollywood…

Aurianna Lavergne

(1er avril 2015)

Pour compléter l’article d’Aurianna, nous vous indiquons le lien vers le blog réalisé par deux élèves du lycée international des Pontonniers pour un TPE sur Xavier Dolan :

http://divoux.eu:8080/display.html#EdYF9uJrXJZkqTl5