Gérard Jugnot : un cinéaste pour le peuple

Gérard Jugnot : un cinéaste pour le peuple

   Quand Gérard Jugnot entame sa carrière dans le monde du spectacle, son itinéraire semble bien balisé. Né en 1951 à Paris, il rencontre au lycée Pasteur de Neuilly, Thierry Lhermitte, Christian Clavier et Michel Blanc…Il les suit dans l’aventure du café-théatre du Splendid au début des années 1970…Il apprend les ficelles du métier et commence à être repéré par les directeurs de casting, qui trouvent facilement des seconds rôles pour cet acteur au physique si typé : il va incarner, à longueur de films, le Français moyen, ronchon, patriotard, pas très futé, parfois émouvant…Il participe aux premiers pas de la bande du Splendid dans le cinéma : la série des Bronzés en 1978 et 1979, l’adaptation cinématographique de leur pièce Le Père Noël est une ordure (1982) …Déjà, il est impliqué dans l’écriture du scénario de plusieurs films…A ce stade, on aurait pu craindre une carrière formatée de « comique français », à la Christian Clavier…Heureusement, Jugnot montre vite, en s’émancipant de la troupe du Splendid, qu’il est capable de faire mieux que certaines comédies « franchouillardes» dans lesquelles il s’est illustré. Déjà, en 1987, il montre ses talents d’acteur en interprétant le partenaire de Jean Rochefort dans le film de Patrice Leconte, Tandem…. A cette occasion, Jugnot prouve qu’il est aussi capable d’émouvoir, qu’il a un registre plus large que celui qu’on lui a attribué un peu rapidement ( la liste des films auquel il a participé est impressionnante, pour le meilleur et pour le pire …).
Surtout, avant Michel Blanc et Josiane Balasko, il passe à la mise en scène, en réalisant Pinot, simple flic en 1984…A ce jour, Jugnot a tourné 8 longs métrages (et notamment, Une époque formidable (1991), Casque bleu (1994), Meilleur espoir féminin (2000), sans parler de Monsieur Batignole (2002)…). Dès ses premiers pas, il veut s’inscrire clairement dans la lignée des cinéastes qui produisent des œuvres de qualité mais pour le grand public…Et les noms des réalisateurs qu’il admire sont éloquents : Chaplin, Keaton, Tati…Des auteurs de comédie mais qui ont aussi essayé de faire réfléchir les spectateurs…D’emblée, il marque son attachement pour des personnages communs mais qui s’élèvent au dessus de leur condition. Jugnot résume : il veut « prendre un pauvre con et en faire un héros ». Conscient que son physique lui interdit certains rôles (« je ne peux pas jouer des James Bond »), il interprète le plus souvent lui-même ces personnages de « Français d’en bas » : flic de base dans Pinot, cadre au chômage dans Une époque formidable, coiffeur de province dans Meilleur espoir féminin, charcutier dans Monsieur Batignole. Le souci de Jugnot est de situer ces archétypes dans une situation historique ou sociologique particulière et d’étudier leur comportement : selon lui, « ce qui est intéressant, c’est de prendre un personnage dans un contexte donné et de l’amener à l’héroïsme de façon assez laborieuse »…Quand il est en réussite, le cinéaste peut faire mouche : Une époque formidable est un excellent témoignage sur la société française des années 1970, touchée de plein fouet par la crise économique…Comme l’écrit le critique des Cahiers du Cinéma, ce film est « une comédie à tendance grave sur la déglingue, la dérive, la déprime, où les lieux, les personnages pèsent leur poids de réalité ». Jugnot montre son aptitude à capter « quelque chose de l’air du temps ». Casque bleu, réalisé ensuite, aurait pu être une pochade du genre Les bronzés dans la guerre de Yougoslavie , mais là encore Jugnot réussit à jouer sur deux registres : il montre « comment on peut se retrouver héros, ou lâche, ou les deux à la fois, en maillot de bain, au milieu de cadavres en sang » (Première). Dans les meilleurs moments, cette tonalité douce-amère rappelle un peu celle des comédies italiennes des années 1950-1960…Presque toujours, Jugnot sait trouver une approche un peu décalée, sans audace excessive, mais qui donne à ses films un ton personnel…Parfois grinçant, souvent émouvant, le cinéaste semble alors atteindre son ambition : faire un cinéma populaire qui fait réfléchir…Pour Monsieur Batignole, il cite en exemple Benigni, l’auteur de La vie est belle, et dit vouloir adopter la même démarche : « la compréhension du monde par le rire et l’émotion », un objectif tout à fait estimable…

 

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